Zambie: un rapport de l’ONU présente les effets négatives de l’investissement agricole à grande échelle
La rapporteuse de l’ONU sur le droit à l’alimentation confirme que les investissements agricoles à grande échelle dans le pays entraînent le déplacement et l’aggravation de la nutrition des communautés, tel que précédemment exprimé par FIAN International.
Le Professeur Hilal Elver, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, a présenté son rapport sur la situation alimentaire en Zambie au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève cette semaine. Le rapport constate que l’agriculture à grande échelle promue par le gouvernement zambien entraîne le déplacement des petits agriculteurs et a des effets néfastes sur leur nutrition et leur santé. Le rapport fait suite à la visite du professeur Elver dans un certain nombre de communautés en Zambie, y compris celles soutenues par FIAN International et ses sections zambienne et allemande.
Le rapport réaffirme l’analyse de FIAN en ce qui concerne les investissements agricoles à grande échelle en Zambie: l’accès à une alimentation adéquate et nutritive est effectivement un défi dans la majeure partie du pays, tout particulièrement pour les femmes et les enfants dans les zones rurales. « La politique du gouvernement consistant à transformer l’agriculture commerciale à grande échelle et orientée vers l’exportation en moteur de l’économie nationale, dans une situation où la protection des terres est faible, risque d’expulser les paysans de leurs terres, et donc de la production, avec un impact sévère sur leur droit à l’alimentation. Les conséquences de telles politiques est particulièrement inquiétant étant donné que les petits agriculteurs représentent près de 60% de la population et dépendent de la terre pour leur subsistance; en même temps, ils nourrissent environ 90% de la population zambienne », peut-on lire dans le rapport.
“Conditions de fortune” pour les communautés touchées
La Rapporteuse spéciale s’est rendue dans la communauté Ngambwa à Mkushi, dans la province centrale, où environ 70 familles vivaient dans des conditions de fortune. La plupart des membres de la communauté vivent dans la région depuis les années 1980 et survivent actuellement grâce au travail informel faiblement rémunéré, principalement en tant que travailleurs agricoles. Dans ses entretiens, la Rapporteuse spéciale a été informée que les gens mangeaient à peine une fois par jour, qu’ils étaient parfois obligés de faire de la soupe de plantes vertes locales pour nourrir leurs familles et leurs enfants, et qu’ils étaient constamment menacés d’expulsion. La Rapporteuse spéciale recommande aux autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les droits humains des familles touchées, y compris leur droit à la terre, crucial à la réalisation de leur droit à l’alimentation et à leurs droits culturels.
Commentant le rapport, Archie Mulunda de FIAN Zambie, qui participait à cette visite, a déclaré: « Nous sommes d’accord avec le contenu du rapport de la Rapporteuse spéciale. FIAN Zambie exhorte le gouvernement zambien et toutes les autres parties prenantes à prendre les conclusions au sérieux, tout particulièrement en ce qui concerne la menace d’expulsion de la communauté de Mkushi. Les problèmes de nourriture et de nutrition sont au cœur de leur santé et de leur survie ».
L’implication d’acteurs extraterritoriaux
Pendant des années, FIAN International, en particulier à travers sa section allemande, a soulevé des inquiétudes sur le financement des plus grands investisseurs agricoles en Zambie, y compris ceux impliquant l’aide au développement allemande. La recherche de FIAN en Zambie a documenté à plusieurs reprises des situations problématiques pour les droits humains liées à des investissements engageant la Banque allemande de développement (DEG) et le Fonds de développement de l’AATIF lancé par le Ministère allemand du développement (BMZ) à Luxembourg. DEG a également financé l’investisseur agricole allemand Amatheon Agri, qui a acquis plus de 40 000 hectares en Zambie.
En dépit d’avoir soulevé ces questions à maintes reprises aux parties concernées, FIAN dénote qu’aucune évaluation efficace et indépendante d’impacts sur les droits humains de ces projets de développement n’a encore été effectuée.
« Les résultats de notre travail sont clairement confirmés par le rapport : le financement des investisseurs et des entreprises agroalimentaires telles que Agrivison de Maurice, Zambeef ou Export Trading Group – qui sont tous liés à des litiges fonciers en Zambie – contrecarre toute approche de développement basée sur les droits humains » souligne Roman Herre, expert agraire de FIAN Allemagne.
La Rapporteuse spéciale recommande à la Zambie de préparer et d’adopter une loi-cadre nationale sur le droit à l’alimentation fondée sur les droits humains, assortie de repères et de plans de mise en œuvre efficaces pour chaque région. Elle suggère également d’adopter une politique foncière nationale inclusive et sensible au genre, fondée sur les principes des droits humains, les Directives des Nations-Unies pour une gouvernance responsable des régimes fonciers, applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, ainsi que l’établissement de mécanismes de suivi de cette politique efficaces.
Pour plus d’informations, veuillez consulter le rapport du Professeur Hilal Elver ici
En cas de questions, veuillez contacter Roman Herre: R.Herre[at]Fian.de , Tel: 01520-7067302