Aucune justice pour les familles paysannes de Curuguaty au Paraguay
Les paysans qui ont survécu au massacre sont déclarés coupables, alors qu'aucune enquête n'a été menée concernant les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires et les menaces de mort pendant et après leur expulsion forcée.
Malgré des irrégularités signalées dans la procédure, le tribunal paraguayen chargé du cas emblématique de Curuguaty a récemment déclaré onze paysans coupables. Avec plusieurs autres organisations de la société civile, FIAN International s’inquiète de cette sentence et souligne l’absence d’enquête sur les morts de onze autres paysans durant l’expulsion violente de Curuguaty au Paraguay en 2012.
Le » Massacre de Curuguaty » a eu lieu le 15 juin 2012 lors de l’expulsion, dans la violence, de familles paysannes sans-terre qui occupaient une zone connue sous le nom de Marina Kue, dans le district de Curuguaty. Dix-sept personnes, six officiers de police et onze paysans, y ont trouvé la mort. Or, le jugement de l’affaire, procédure orale et publique qui s’est tenue le 11 juillet de cette année, ne mentionne que la mort des officiers de police. 11 paysans ont été déclarés coupables, avec des peines de prison allant de 4 à 30 ans pour meurtres d’officiers de police, association criminelle et invasion de propriété. A ce jour, le Ministère public n’a toujours pas ouvert d’enquête concernant les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires, les menaces de mort et tortures physiques et psychologiques des paysans pendant et après l’expulsion forcée.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme Zeid Ra’ad Al Hussein a lui-même exprimé ses vives inquiétudes sur le jugement prononcé. » La sentence prononcée à l’encontre des 11 paysans dans le cas Curuguaty au terme d’un procès dont tout indique qu’il s’est déroulé au mépris de la procédure en vigueur est très inquiétante. Au cours de ces quatre dernières années, plusieurs mécanismes de droits humains et organisations de la société civile ont signalé de graves irrégularités dans l’enquête, dont des allégations de violations de procédure et des droits de la défense « , a déclaré le Haut-Commissaire. » Je m’inquiète aussi gravement du fait que les autorités paraguayennes n’ont pas ouvert d’enquête sur la mort des onze paysans tués dans le même incident, ni sur les déclarations selon lesquelles certains de ces paysans furent sommairement exécutés après avoir été soumis à la torture et à d’autres violations de droits humains « , a-t-il ajouté.
FIAN International réaffirme que le gouvernement paraguayen devrait :
- Mener une enquête minutieuse et impartiale sur les déclarations d’exécutions extrajudiciaires, les détentions arbitraires, les menaces de mort et tortures physiques et psychologiques des paysans pendant et après leur expulsion forcée le 15 juin 2012 à Marina Kue, Curuguaty.
- Mener à terme une procédure permettant de clarifier la problématique de la propriété foncière de Marina Kue et garantir l’application du processus de réforme agraire.
- Mettre un terme aux expulsions violentes et à la criminalisation des mouvements sociaux.
- Respecter et protéger les droits humains des communautés de paysans et autochtones, dont leur droit à la vie, à l’alimentation, à la terre et à une vie digne.
Pour plus d’information, vous pouvez consulter
le dossier sur la criminalisation des paysans au Paraguay et le cas de Marina Kue (en anglais)