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La Banque mondiale est sommée de cesser l'accaparement des terres et la destruction écologique au Brésil

La société civile a dénoncé un projet de la Banque mondiale d'un montant de 120 millions USD et visant à soutenir un programme de titrage des terres dans l'État brésilien du Piauí, utilisé de facto par l'agrobusiness pour légitimer l'accaparement de terres et l'expansion des monocultures. Une plainte déposée par les communautés affectées a récemment été rejetée par le Panel d'inspection de la Banque.

Dans une lettre ouverte envoyée à la Banque mondiale le 4 août 2020, les organisations de la société civile demandent instamment à l’institution de prendre ses responsabilités et d'agir pour que son projet "Piauí : Piliers de croissance et d'inclusion sociale" ne facilite ni ne légitime l'accaparement des terres. Les communautés traditionnelles de la région de MATOPIBA ont été témoins de plusieurs violations des droits humains, notamment la dépossession, la violence et la destruction de leurs écosystèmes et de leurs moyens de subsistance en raison de l'expansion de l'agrobusiness et de la spéculation foncière. Afin de légaliser leurs opérations, les accapareurs de terres, souvent parrainés par des investisseurs transnationaux, dont des fonds de pension américains et européens, cherchent à obtenir des titres de propriété en utilisant le Programme de régularisation des régimes fonciers - programme mis en œuvre par l'État du Piauí et soutenu par la Banque mondiale.

En décembre 2019, plusieurs communautés situées dans le sud-ouest du Piauí ont déposé une plainte officielle auprès du Panel d'inspection de la Banque mondiale, le service de surveillance interne de l'agence, demandant une action rapide de la Banque pour s'assurer que le projet ne légitime l'accaparement des terres et la destruction de l'écosystème. En réponse à cette plainte, la direction de la Banque mondiale a nié toute responsabilité pour les violations présumées des droits humains, déclarant que celles-ci n'étaient pas liées aux activités du projet et échappaient au contrôle de la Banque. Après avoir effectué une visite d'admissibilité au Brésil, le rapport final du Panel d'inspection a confirmé ce point de vue et a clairement décliné la nécessité d'une enquête approfondie.

"La Banque mondiale et son Panel d'inspection affirment que le financement des projets n'a pas été utilisé pour légaliser l'accaparement des terres ni pour délivrer des titres fonciers à des propriétaires fonciers de grande envergure. Or, il existe un lien évident entre le projet et la dynamique actuelle de l'accaparement des terres, de la spéculation et de la dépossession des communautés rurales ainsi que de la destruction de l'écosystème dans le Piauí", explique Philip Seufert, coordinateur du programme Ressources naturelles chez FIAN International.

Bien que le droit brésilien reconnaisse explicitement les droits des communautés traditionnelles qui utilisent leurs terres depuis plusieurs générations, dans la pratique, les droits des communautés ne sont pas efficacement protégés. La loi foncière du Piauí, récemment révisée, stipule clairement que les communautés traditionnelles doivent être prioritaires dans le processus de régularisation des terres. Suite aux pressions exercées par les communautés et les organisations de soutien, la Banque mondiale a inclus huit communautés dans son projet de titularisation des terres en 2018. Cependant, à ce jour, aucune de ces communautés n'a reçu les titres fonciers collectifs demandés.

"Nous attendons de la Banque mondiale qu'elle coopère avec les autorités du Piauí pour donner priorité à la régularisation des titres fonciers des communautés rurales, en particulier celles qui sont les plus menacées par la dépossession, et qu'elle suspende la délivrance de titres aux grands propriétaires de plantations et aux sociétés agro-industrielles", explique Felipe Bley-Folly, responsable pour le Brésil et coordinateur du programme de justiciabilité chez FIAN International. "La Banque mondiale est une institution des Nations Unies et est donc tenue de respecter les droits humains, y compris le droit des communautés rurales à la terre et aux ressources naturelles connexes, comme le stipule la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP)", ajoute Bley Folly.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter bley-folly(at)fian.org

Pour plus d'informations sur le cas de Matopiba, voir https://www.fian.org/fr/fight/le-commerce-de-la-terre-matopiba-bresil

Pour plus d'informations sur le processus du Panel d'inspection de la Banque mondiale, voir https://www.inspectionpanel.org/panel-cases/piaui-pillars-growth-and-social-inclusion-project-p129342