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« Feuille de route » pour que les gouvernements tiennent responsable les grands pollueurs

Une coalition mondiale a publié une « feuille de route » pour tenir responsable les grands pollueurs, un outil unique en son genre décrivant comment les décideurs locaux et mondiaux peuvent tenir les industries polluantes responsables des dommages climatiques qu’elles causent sciemment, tout en débloquant le financement climatique nécessaire pour faire face à la crise climatique et mettre en œuvre des solutions.

Cette feuille de route, publiée juste une semaine avant la semaine des Nations Unies sur le climat [et quelques jours après que des jeunes portugais aient annoncé qu’ils poursuivaient 33 pays pour inaction face au changement climatique], est la nouvelle étape de la campagne mondiale visant à faire payer les gros pollueurs.

En septembre dernier, les organisations internationales du climat ont lancé un appel mondial pour la responsabilité des gros pollueurs lors du Sommet sur l'action climatique du Secrétaire général des Nations Unies à New York. Et lors de la COP25 à Madrid, les demandes de centaines de milliers de personnes de faire payer les gros pollueurs ont été transmises aux délégués gouvernementaux. Les organisations et signataires faisant écho à cet appel sont originaires d'environ 70 pays, dont la Bolivie, les Philippines et le Nigéria.

La responsabilité a pris une nouvelle importance au milieu de la pandémie COVID-19 et des catastrophes climatiques sans précédent. De nombreux gros pollueurs sont en grande partie responsables des crises aux multiples facettes auxquelles les personnes sont confrontées, mais tentent toujours d’en tirer profit – exigeant des renflouements gouvernementaux et déployant des stratagèmes de relations publiques qui les positionnent comme des solutions.

La responsabilité des énergies fossiles et des autres industries polluantes est un domaine d’intérêt croissant pour les experts du climat, les universitaires et les gouvernements à mesure que l’historique de déni de la part de l’industrie et le lien entre les émissions industrielles et les impacts climatiques deviennent de plus en plus évidents. Des États-Unis au Vanuatu en passant par le Pérou, les élu-e-s et les citoyen-ne-s explorent la responsabilité des industries polluantes comme celle des énergies fossiles pour sa longue histoire de tromperie et de destruction de l’environnement.

Par exemple, la commission des droits humains des Philippines a conclu que l’industrie des énergies fossiles pouvait être tenue juridiquement responsable de son rôle dans le changement climatique. Plus tôt cette année, l’agrandissement de l’aéroport d’Heathrow a été arrêté avec succès après que la société civile a fait valoir qu’il s’agissait d’une violation des engagements du gouvernement britannique dans le cadre de l’Accord de Paris. Un pêcheur indien contestant la Société financière internationale (SFI) a obtenu un jugement qui a créé un précédent devant la Cour suprême des États-Unis en 2019.

Au Pérou, un agriculteur poursuit un service public allemand pour son rôle dans la crise qui nuit à ses moyens de subsistance. Et, aux États-Unis cette année, un tribunal fédéral a condamné l’industrie des combustibles fossiles dans une affaire de procédure qui pourrait non seulement ouvrir la voie à davantage de villes et d'États pour demander la responsabilité de l'industrie, mais pourrait même relancer des affaires qui avaient été précédemment rejetées à niveau fédéral américain.

Que disent les organisations derrière Faire payer les grands pollueurs ?

« Les preuves scientifiques sont claires, l’industrie agroalimentaire est l’un des principaux moteurs du changement climatique et de l’éco-destruction. Elle dépend fortement des énergies fossiles, de l’extractivisme, des produits agrochimiques, de la déforestation et des changements d’utilisation des terres. Plus important encore, cette industrie néfaste affecte directement la jouissance d’un certain nombre de droits humains – en particulier le droit humain à une alimentation et une nutrition adéquates. Les gros pollueurs doivent être tenus responsables de leur agro-industrie «sale» afin de restaurer les services écosystémiques essentiels, de guérir la planète et de protéger les droits des générations présentes et futures », a déclaré Astrud Beringer, de FIAN International.

« La soi-disant promotion de solutions basées sur la nature ainsi que du zéro net et de la compensation indique clairement que les industries polluantes continuent de contourner leur obligation immédiate de réduire les émissions. La nouvelle norme est assiégée par des renflouements massifs aux industries des énergies fossiles et de l'aviation, tandis que l’agro-industrie survie joyeusement grâce à des subventions perverses ; ces industries nient le fait qu’elles sont responsables de la crise climatique et de l’augmentation des émissions de GES, de la déforestation, de la destruction des moyens de subsistance et de la sécurité alimentaire de milliards de personnes. Un mouvement populaire mondial ascendant exigeant la responsabilité des industries malhonnêtes et des gouvernements négateurs du climat serait une voie populaire qui continue d’exiger la justice climatique reconnaissant et respectant l’équité, l’égalité des sexes et les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des paysans et des pêcheurs et les travailleurs », a déclaré Souparna Lahiri, chargée de campagne pour le climat, Coalition mondiale des Forêts.

« La feuille de route en matière de responsabilité ne se limite pas aux actions en justice et aux salles d’audience. Il s’agit de faire payer les gros pollueurs pour les ravages qu’ils ont causés en alimentant la crise climatique et de les forcer à mettre fin à leurs abus. Il s’agit de faire payer les gros pollueurs pour avoir causé des décennies de souffrance et de destruction dans les communautés situées en première ligne de la crise climatique mondiale, sans fin en vue. La feuille de route nous mènera plus loin sur la route où les grands pollueurs sont obligés de placer le bien-être des gens et le bien-être de la Terre et de ses écosystèmes au-dessus de l’expansion, de l’extraction et du profit ». Sriram Madhusoodanan, directeur de la campagne sur le climat aux États-Unis, Corporate Accountability

« Le lancement de la feuille de route de la responsabilité est opportune. Il présente une opportunité et une voie que les gouvernements africains doivent saisir pour enfin tenir les industries polluantes responsables des violations de l’environnement et des droits humains qu’elles ont causées dans les communautés à travers l’Afrique et le monde entier. Akinbode Oluwafemi Directeur Exécutif - Corporate Accountability and Public Participation Africa (CAPPA)

« Les gros pollueurs ont détruit notre climat, nos écosystèmes, nos vies et nos moyens de subsistance pendant trop longtemps. Ils parviennent à abdiquer toute responsabilité et ne bénéficient que des dommages qu’ils causent, qui retombent de manière disproportionnée sur les communautés des pays du Sud, les peuples autochtones, les personnes de couleur, les femmes, les travailleurs, les agriculteurs, les paysans et les communautés à faible revenu. La feuille de route sur la responsabilité civile est un outil que nous pouvons utiliser pour demander des comptes à ceux qui ont sciemment causé la crise climatique, et les faire payer. De plus, cette feuille jette les bases d’un changement systémique – en réduisant le pouvoir des entreprises et en garantissant des ressources pour la transformation juste indispensable », a déclaré Sara Shaw, coordonnatrice du programme Justice climatique et énergie, les Amis de la Terre International.

« Les personnes en première ligne de la crise sanitaire, alimentaire et économique sont les mêmes personnes en première ligne de la crise climatique. Les sociétés transnationales ont bénéficié d’un système brisé fondé sur la violence structurelle qui nuit de manière répétée aux personnes de couleur, aux autochtones, aux paysans. Ces systèmes d’oppression ne profitent qu’aux entreprises et aux élites du monde. Mais, il n’y a pas de planète B. Alors que les peuples se soulèvent contre l’oppression et le racisme, nous devons également nous élever contre les grands pollueurs qui détruisent nos vies, notre présent, notre avenir. Cet outil nous rapprochera encore plus de la rémunération des grands pollueurs et donc de la justice. » Nathalie Regifo Alvarez, directrice de la campagne sur le climat en Amérique latine, Corporate Accountability.

 « Le pouvoir des entreprises ne connaît pas de limites, de la capture des politiques publiques au niveau national, en passant par l’influence et à l’entrave des négociations multilatérales sur le climat, jusqu’à la promotion de fausses solutions qui, en plus d’exacerber la crise climatique, ne font qu’augmenter leurs profits. La cupidité de quelques-uns condamne le reste du monde à une catastrophe environnementale, sociale et économique. Beaucoup sont déjà morts de ce modèle économique qui vole, détruit et tue. Nous devons créer des voies de mobilisation et espérer changer l’équilibre en faveur des peuples les plus vulnérables. La feuille de route de responsabilité juridique est un outil précieux qui vise à être une contribution pour que les États répondent aux personnes, pas aux intérêts des entreprises. » Martin Vilela, directeur régional, justice climatique et plaidoyer international, Plateforme bolivienne contre le changement climatique.


Vous pouvez consulter cette feuille de route à l’adresse suivante : https://liabilityroadmap.org/ 
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