Les gouvernements doivent rejeter les solutions à but lucratif contre la faim proposées par les entreprises

Des milliers de paysans, de peuples autochtones, de pasteurs et de militants du Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et à la nutrition (le Réseau) ont appelé les gouvernements nationaux à rejeter les fausses solutions à but lucratif contre la faim et la malnutrition proposées par les entreprises lors du récent Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires (l’UNFSS).

L’appel a coïncidé avec la publication annuelle de l’Observatoire du droit à l’alimentation et à la nutrition du Réseau, Pas notre menu : Fausses solutions à la faim et à la malnutrition – qui met en lumière le coût humain dévastateur du système alimentaire industriel, notamment son incapacité à lutter contre la faim croissante dans le monde et malnutrition.

L’édition 2021de l’Observatoire met en lumière les souffrances des paysan-ne-s, des pêcheu-ses-rs et des peuples autochtones – en particulier des femmes qui produisent la plupart de la nourriture dans le monde – causées par le pouvoir croissant des entreprises agroalimentaires », a déclaré Arieska Kurniawaty, responsable de programme au conseil d’administration de Solidaritas Perempuan (Solidarité des femmes pour les droits humains), basée à Jakarta, membre du Réseau.

 Ce numéro « montre que la faim et la malnutrition sont des problèmes politiques et non des problèmes d’approvisionnement ou de productivité à résoudre avec des solutions technologiques », a-t-elle ajouté, au milieu de la célébration de la Journée mondiale de l’alimentation ce mois-ci et du 25ème anniversaire du lancement du paradigme de la souveraineté alimentaire. Celui-ci a été lancé lors du Sommet mondial de 1996 à Rome en réaction directe aux solutions de sécurité alimentaire fondées sur le marché promues par l’Organisation mondiale du commerce.

« Et si l’ONU continue de faciliter la prise de contrôle de l’alimentation par l’agro-industrie, en stimulant la production alimentaire industrielle, en élargissant leur accès aux marchés et en réalisant d'énormes profits, les gens devront faire face à des luttes encore plus difficiles pour trouver un travail décent et nourrir leur famille », a déclaré Charlotte Dreger, chargée de plaidoyer pour les systèmes alimentaires durables chez FIAN International, le secrétariat du Réseau.

 

Les cultures de l’injustice

L’Observatoire a été dévoilé lors d’un séminaire en ligne au cours duquel des intervenant-e-s du National Fishworkers’ Forum, du Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem, de FoodShare Toronto, de l’Université Cornell et de FIAN International ont discuté du rôle des États et des organisations intergouvernementales dans la tolérance voire la promotion de fausses solutions à but lucratif contre la faim.

Le numéro comprend un supplément populaire, Les cultures de l’injustice, qui encourage les gens à considérer que, bien que l'accès à la nourriture soit une question vitale, nous devenons de plus en plus déconnectés de la façon dont cette dernière est produite.

« Nous exhortons les États membres de l’ONU à refuser de donner aux entreprises le pouvoir de décider de ce qui est le mieux pour leurs populations », a déclaré Dreger.

« Le sommet de l’ONU n’a servi que d’amplificateur politique aux entreprises agroalimentaires transnationales et aux institutions financières qui ont perpétué leurs méthodes anciennes et ratées pour prétendre nourrir le monde. Cela a élargi les possibilités pour les entreprises d’influencer davantage les gouvernements nationaux afin qu’ils traitent la nourriture comme une marchandise plutôt que comme un droit humain ».

 

Ouvrir la voie à la prise de contrôle par les entreprises

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a convoqué le sommet sur l’alimentation de septembre en partenariat étroit avec le Forum économique mondial, une organisation du secteur privé représentant les entreprises les plus riches du monde. Ses conclusions ont ouvert la voie aux méga-entreprises pour tirer plus de profits des personnes et de la nature grâce à des soi-disant « domaines d’action » de suivi et un nouveau « centre de coordination » basé à Rome qui risque de saper l’ensemble du système multilatéral des Nations Unies, avertissent les membres du Réseau.

« Nous craignons que le processus de suivi du sommet ne sape la plate-forme internationale la plus importante et la plus inclusive de la gouvernance alimentaire mondiale, le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale et le Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition, qui est l’interface scientifique de politique le plus innovant dans ce domaine », a déclaré Sofia Monsalve, secrétaire générale de FIAN International. « Avec ses actions de suivi, le sommet promeut fortement un modèle de gouvernance multipartite, qui place dangereusement les entreprises sur un pied d’égalité avec les élus et les communautés », a-t-elle ajouté.

« Cela sape le multilatéralisme, la démocratie et les droits humains ».

 

La capture par les entreprises des solutions contre la faim

Le sommet des Nations Unies a créé plus de 25 « coalitions de solutions » multipartites, chargées de trouver des solutions à la faim et à la malnutrition conformément aux objectifs de développement durable des Nations Unies.

Un examen plus attentif de la composition de ces coalitions révèle une influence excessive du secteur privé. Beaucoup sont dirigées ou influencées par des experts, des scientifiques et des consultants travaillant pour des entreprises ou des groupes ayant des liens étroits avec des multinationales.

Par exemple, l’Engagement Faim Zéro du Secteur Privé qui soutient la Coalition d’action pour Atteindre la Faim Zéro, a été lancé par l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (GAIN) basée à Genève.

L’association à but non lucratif GAIN est financée par des multinationales telles qu’Unilever et Arla Foods ainsi que par les fondations Melinda et Bill Gates et Rockefeller. Les fondations Melinda et Bill Gates et Rockefeller financent également l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA). L’ancienne ministre rwandaise de l’agriculture, Agnes Kalibata, présidente de l'AGRA, est l’envoyée spéciale du chef de l’ONU auprès du Sommet.

Un autre exemple est la Coalition d’action 4 pour la santé des sols (CA4SH) qui a émergé du pôle d’investissement dans les sols du sommet. Selon l’UNFSS, ce pôle vise à « créer une masse critique d’entreprises des chaînes de valeur alimentaires et agricoles et d’acteurs clés qui alignent les décisions et mécanismes d’investissement et de capital afin d’amplifier les pratiques agricoles respectueuses du sol ».

Un document d’information partagé en ligne par l’UNFSS révèle que « l'inspiration » du Hub pour sa « solution » de sol a été tirée d’un article de 2018 intitulé The Business Case for Investing in Soil Health, publié par le Conseil mondial des entreprises pour un développement durable (WBCSD), une organisation mondiale du secteur privé regroupant plus de 200 entreprises de premier plan. Les membres du WBCSD comprennent des sociétés d’engrais, de produits chimiques et de semences telles que BASF, Bayer, Cargill, Corteva, DuPont, Nutrien, Sumitomo Chemical, Syngenta, UPL OpenAg et Yara.

 

Les États sont appelés à transformer les systèmes alimentaires contrôlés par les entreprises à travers l’agroécologie.  

Dans une déclaration politique signée par plus de 1 000 personnes et organisations locales, régionales et internationales, la Réponse autonome des peuples au Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires a dénoncé « le Sommet UNFSS 2021 qui ne tient pas compte du besoin urgent de s’attaquer aux déséquilibres de pouvoir flagrants que les entreprises détiennent sur les systèmes alimentaires » et rejeté « les fausses solutions qui continuent et continueront à opprimer et à exploiter les personnes, les communautés et les territoires ».

Cette déclaration a également exhorté les gouvernements et les institutions régionales et internationales à « soutenir les voies empruntées par ces groupes pour transformer les systèmes alimentaires contrôlés par les entreprises à travers les méthodes et pratiques de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire ».

« La première étape sur cette voie consiste à reconnaître pleinement, à mettre en œuvre et à faire respecter le Droit à une alimentation adéquate, qui relève d’une obligation des États et des agences des Nations Unies en matière de droits humains » a-t-elle ajoutée.

Pas notre menu : Fausses solutions à la faim et à la malnutrition

Si quelqu’un vous demandait spontanément d’où vient votre nourriture, sauriez-vous répondre ? Savez-vous qui la cultive et comment ? Quelles sont les étapes prises et les ingrédients utilisés pour transformer vos aliments en repas ? Comment la nourriture atteint les marchés et les magasins avant qu’elle ne trouve enfin son chemin dans votre assiette ?

La nourriture est notre bouée de sauvetage, mais nous en sommes largement déconnectés. Au lieu de cela, nous sommes piégés dans l’illusion que nous avons la liberté d’acheter et de consommer des produits que nous sommes censés vouloir et dont nous avons besoin, mais que nous connaissons peu.

L’édition de cette année de L’Observatoire du droit à l’alimentation et à la nutrition – Pas notre menu : fausses solutions à la faim et à la nutrition, tente de faire les liens nécessaires entourant les aliments que nous consommons.

Le supplément populaire de l’Observatoire, Cultures de l’injustice, rend ces connexions concrètes. Par exemple, il lie notre consommation de produits céréaliers à des monocultures produites en masse et chargées de pesticides, telles que le maïs et le blé, qui sapent les nutriments du sol, polluent l’air que nous respirons et empoisonnent les sources d’eau où nous nous approvisionnons.

L’Observatoire essaie également d’approfondir notre compréhension des raisons pour lesquelles produire plus de nourriture dans le cadre du système industriel à but lucratif n’est pas une solution à la faim et à la malnutrition, mais est en fait ce qui cause et aggrave ces problèmes. Le numéro souligne également pourquoi nous devons nous déconnecter du système alimentaire industriel et nous reconnecter avec d’autres systèmes alimentaires qui fournissent de véritables solutions à la faim, nous permettant de nous nourrir avec une nourriture suffisante, nutritive, abordable et culturellement appropriée.

Dans le premier article de l’Observatoire, Émergence du discouse sur les « systèmes alimetnaires » et des solutions d’entreprises à la faim et la malnutrition, The Emergence of the Food Systems Discourse and Corporate Solutions to Hunger and Malnutrition, Elisabetta Recine, Ana María Suárez Franco et Colin Gonsalves expliquent comment le système alimentaire industriel a évolué et a gagné du pouvoir au cours des 60 à 70 dernières années en marginalisant systèmes alimentaires existants, affaiblissant l’autorité des institutions publiques dans la lutte contre la faim et la malnutrition, et traitant les gens comme de simples consommateurs de nourriture au lieu de détenteurs de droits.

Dans l’article Aquaculture, financiarisation et impacts sur les communautés de pêche à petite échelle, Carsten Pedersen et Yifang Tang nous expliquent comment l’industrie aquacole, historiquement dominée par des acteurs de petite ou moyenne échelle, s’est rapidement développée sous la propriété et le contrôle d’un petit nombre de sociétés transnationales. Ces dernières ont privé les pêcheurs de leurs moyens de subsistance et de leurs droits traditionnels sur leurs lieux de pêche, comme les communautés de pêcheurs en Inde, en Thaïlande et en Équateur.

Pendant ce temps, dans Les banques alimentaires et la charité perpétuent les inégalités dans les pays riches : une fausse solution au problème de la faim, Alison Cohen, Kayleigh Garthwaite, Sabine Goodwin, jade guthrie et Wendy Heip critiquent la montée des initiatives d’aide alimentaire d’urgence entre les gouvernements et le secteur privé dans pays du « Nord global » tels que les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni au milieu de la pandémie de Covid-19. Les auteures soutiennent que donner des excédents de nourriture à des organisations caritatives ne résoudra pas la faim et la malnutrition auxquelles sont confrontées les communautés marginalisées – noires, indigènes et de couleur – dans ces pays riches, car ces problèmes nécessitent des solutions non alimentaires telles que la « (re)construction d’une société plus équitable ».

Dans le quatrième et dernier article de l’Observatoire, L’imperceptible croissance de l’alimentation saine, Mario Gabriel Macías Yela, Valéria Torres Amaral Burity, Paulo Asafe C. Spínola et Sofía Monsalve soulignent que la jouissance du droit à une alimentation et une nutrition adéquates ne sera atteinte que si nous rompons avec les modes de vie capitalistes avec des propositions qui démercantilisent la nourriture. Les auteur-e-s exhortent également les gens à rechercher des voies vers la réalisation du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire.

Souveraineté alimentaire – Résister à la mainmise de l’agro-industrie sur nos systèmes alimentaires

Cette année marque les 25 ans de l’introduction du paradigme de souveraineté alimentaire au Somment Mondial de l’Alimentation en 1996 à Rome, en défi direct à la sécurité alimentaire basée sur le marché promu par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La souveraineté alimentaire reconnait l’autonomie et le pouvoir des petits producteurs et des ouvriers agricoles face à l’augmentation du pouvoir des grandes entreprises sur l’ensemble du monde alimentaire. Depuis son lancement, le mouvement de souveraineté alimentaire a grandi, s’est diversifié et a donné naissance à de nombreuses initiatives pour faire face aux injustices historiques et émergentes, aux inégalités, aux abus de droits, et aux oppressions. Aujourd’hui, le mouvement est à la pointe d’un réel changement systémique, avec des millions de personnes à travers le monde engagées et soutenant des économies solidaires, l’agroécologie, les marchés de territoires, les coopératives, la défense de la terre et des territoires, les droits des paysans, des travailleurs, des migrants, des peuples autochtones, des femmes et des personnes vivant dans des crises prolongées.

Ironiquement, cette année, les Nations Unies ont convoqué un Sommet sur les Systèmes Alimentaires (UNFSS) qui est l’opposé polaire de la souveraineté alimentaire. La structure, le contenu, la gouvernance et les résultats de l‘UNFSS sont dominés par des acteurs affiliés au Forum Economique Mondial (FEM), ainsi que des fonctionnaires gouvernementaux et de l’ONU qui estiment que lutter avec succès contre la faim, le chômage, le changement climatique et la perte de biodiversité nécessite la participation centrale des grandes entreprises puisqu’elles disposent de capital, de technologies et d’infrastructures qui surpassent la plus part des nations et tout le système des Nations Unies.

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Souveraineté alimentaire – Résister à la mainmise de l’agro-industrie sur nos systèmes alimentaires

Se soulever contre la mainmise des entreprises sur l’alimentation et sur l’élaboration des politiques

L'absence de progrès dans l'élimination de la faim et de la malnutrition dans le monde d'ici à 2030 a incité le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, à convoquer un sommet sur les systèmes alimentaires à New York aujourd'hui.

Ce sommet a d'abord été présenté comme l'occasion de discuter de nouvelles mesures audacieuses visant à transformer la façon dont le monde produit, consomme et pense l'alimentation. Cependant, durant les deux années de préparation et lors de l’événement préalable au Sommet en juillet dernier, il a toujours été clair que le processus choisi privilégiait les intérêts des entreprises. Le rôle prépondérant accordé aux plateformes dirigées par des entreprises, telles que le Forum économique mondial, combiné à des procédures de prise de décision opaques, a conduit certain?e?s à décrire le processus comme une privatisation de la prise de décision.

Démocratie et autodétermination compromises

La décision d'accorder ce statut privilégié au secteur privé découle de la conviction que les grandes entreprises agroalimentaires sont incontournables en matière d'approvisionnement alimentaire et qu'elles sont plus aptes que les gouvernements et la société civile à élaborer des politiques pour nos systèmes alimentaires. Ce raisonnement permet aux entreprises d'étendre leur contrôle sur les terres, l'eau et les zones de pêche, de détenir un quasi-monopole sur les semences commerciales et d'utiliser les pesticides et les engrais chimiques de manière intensive, sans être tenues responsables des dommages causés par leurs activités.

Ce sommet sur les systèmes alimentaires est un pas en arrière pour le multilatéralisme qui fragilisera une fois de plus la démocratie et l'autodétermination. Il menace les principales institutions internationales et les efforts déployés de longue date pour démocratiser les discussions mondiales sur la politique alimentaire. Il relègue les droits humains au second plan et exclut la voix de ceux et celles qui à la fois produisent la majeure partie de l'alimentation mondiale et souffrent le plus de la faim. Elle ne s'attaque pas aux principaux enjeux mondiaux, notamment la hausse de la faim, la crise climatique et la pandémie de COVID-19, et ignore les dommages causés par l'agriculture industrielle et la concentration des entreprises dans les systèmes alimentaires.

Il constitue par ailleurs une distraction dangereuse. Le Sommet réduit le champ des discussions sur l'alimentation à de fausses solutions concernant la finance, la technologie et l'innovation, qui ne feront qu'exacerber l'insécurité alimentaire et les inégalités.

Combattre la mainmise des entreprises

Les expert?e?s en droits humains de l'ONU se sont montré?e?s extrêmement critiques à l'égard du processus du Sommet – qui a mis à l'écart le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) de l'ONU -, comparant l'influence excessive des entreprises à « l'invitation du renard dans le poulailler« . Le CSA est l'agence des Nations Unies la plus inclusive et fondée sur les droits humains et comprend des centaines de représentant?e?s de la petite production alimentaire, de la pêche, de peuples autochtones et de groupes de la société civile.

Plus de 500 groupes de la société civile – faisant partie de la Contre-mobilisation des peuples pour la transformation des systèmes alimentaires des entreprises contestent l'approche du Sommet et protestent cette semaine contre la mainmise des entreprises sur l'alimentation, poursuivant ainsi les contre-mobilisations qui ont rassemblé plus de 9000 participant?e?s dans le monde contre le pré-sommet qui a eu lieu en juillet.

Une fois le Sommet terminé, des plans prévoient d'étendre cette domination des entreprises et de contourner le CSA en créant un « centre de coordination » à Rome pour assurer le suivi des conclusions du Sommet. Cela reviendrait à démanteler une partie fondamentale du système légitime des Nations Unies, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour les communautés sur le terrain et les paysan?ne?s du monde entier, qui se verraient encore davantage marginalisé?e?s.

De même, les prétendues coalitions d'action issues du Sommet auront une influence directe sur la définition des priorités nationales en matière de transformation des systèmes alimentaires. Ces coalitions opaques et semi-privatisées vont probablement promouvoir davantage le pouvoir des entreprises et de fausses solutions.

Les sociétés transnationales sont clairement en conflit d'intérêts lorsqu'il s'agit de prévenir l'accaparement des terres, la malnutrition, l'évasion fiscale et la surconsommation de pesticides, ou de soutenir l'abandon de l'agriculture intensive au profit d'une agroécologie plus équitable, résiliente et durable. Elles doivent rendre des comptes à leurs actionnaires et privilégier les profits au détriment de la protection du bien commun.

Or, la nourriture est un bien commun, et l'accès à celle-ci est un droit humain fondamental.

Les gouvernements doivent agir en fonction de ce principe  et rejeter les tentatives visant à étendre le contrôle et l'influence des entreprises sur les systèmes alimentaires et la prise de décision. Ils doivent protéger les mécanismes tels que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale des Nations Unies, qui incluent les petit?e?s exploitant?e?s agricoles, les paysan?ne?s, les pêcheur?euse?s, les éleveur?euse?s et les peuples autochtones, qui nourrissent la majeure partie de la population mondiale.

Tout autre choix constituerait un abandon de leur responsabilité la plus élémentaire en matière de protection des droits fondamentaux.

Plus d'informations :

Des extraits de cet article ont été précédemment publiés par Project Syndicate dans un article intitulé The Corporate Capture of the UN Food Summit (La mainmise des entreprises sur le sommet alimentaire de l'ONU)

Comment les entreprises s'emparent-elles du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires ?

Rapport SOFI 2021 : pistage de la faim qui ignore les causes profondes

Comment peut-on résoudre un problème sans s’attaquer à ses causes profondes?

Identifier les obstacles, mais rester silencieux ou flou sur leurs origines semble être le cercle vicieux de l’évaluation mondiale annuelle de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition produite conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le Fonds international de développement agricole, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Programme alimentaire mondial, et l’Organisation mondiale de la santé.

Dans leur cinquième rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (SOFI) publié la semaine dernière, lesdites institutions de l’ONU ont de nouveau observé l’évolution à travers le monde de la faim et de toutes les formes de malnutrition, et ont tiré une conclusion déjà anticipée : nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre l’objectif Faim zéro à l’horizon 2030 tel que défini dans l’Objectif 2 des Objectifs de développement durable adoptés en 2015 par l’Assemblée générale des Nations Unies.

Le rapport a noté que l’an passé à vu jusqu’à 161 millions de personnes supplémentaires souffrir de la faim durant la pandémie de Covid-19, portant le total à 811 millions, tandis que près d’un individu sur trois – l’équivalent de 2,37 milliards de personnes dans le monde – n’a pas eu accès à une alimentation adéquate. 

Le SOFI ne vise pas à changer les causes fondamentales de la faim dans le système alimentaire

Le rapport SOFI a qualifié la situation de « sombre » et de « inquiétante », indiquant que « nous avançons dans la mauvaise direction ». Cependant, la généralisation hâtive des conflits, de la variabilité et des extrêmes climatiques, ainsi que des ralentissements économiques en tant que « principaux moteurs » de la faim et de la malnutrition est plus inquiétante.

Laura Michèle, responsable du programme sur la nutrition et les systèmes alimentaires chez FIAN International, a souligné que si le SOFI actuel mentionnait les inégalités comme un facteur aggravant de la faim et de la malnutrition, le rapport n’attirait pas l’attention sur les inégalités au sein du système alimentaire industrialisé mondial.

Ceci malgré le fait que le système alimentaire dominant basé sur la promotion d’aliments ultra-transformés et chargés de pesticides rend les gens malades et vulnérables aux maladies, ainsi qu’engendre la montée de maladies zoonotiques telles que Covid-19.

Ce qui a rendu le SOFI « bizarre », selon Michèle, est la logique sous-jacente du rapport selon laquelle le système alimentaire devrait être transformé pour devenir plus résilient face aux principaux moteurs mentionnés de la faim et de la malnutrition – et non parce qu’il est en soi un moteur central de la faim et de la malnutrition, ainsi que du changement climatique, de la destruction écologique, de la perte de biodiversité et des violations des droits des paysan-nes-s, des peuples autochtones et des travailleu-ses-rs.

Le SOFI embrasse des solutions « problématiques » 

Cet échec à discuter du rôle du système alimentaire industriel en tant que facteur aggravant pour la faim et de la malnutrition conduit les auteur-e-s du rapport à proposer des solutions hautement problématiques pour la transformation des systèmes alimentaires, centrées sur plus de technologie et de données, ainsi que l’intégration des petit-e-s product-rices-eurs dans les chaînes de valeur mondiales.

Ces solutions renforcent davantage la domination industrielle sur les systèmes alimentaires tout en sapant les efforts vers une véritable transformation basée sur une production alimentaire locale à petite échelle, diversifiée et agroécologique.

Alors que plusieurs des études de cas présentées dans le SOFI mettent en évidence le rôle essentiel des systèmes alimentaires locaux et des petit-e-s product-rices-reurs, l’agroécologie reste absente des recommandations du rapport pour la transformation des systèmes alimentaires.

FIAN International critique également l’accent mis par le rapport SOFI sur la production d’aliments sains plus abordables, grâce à des « gains d’efficacité tout au long de la chaîne d’approvisionnement » et des solutions technologiques telles que la bio-fortification. Un tel point de vue néglige l’urgence de s’attaquer aux inégalités sous-jacentes et à la pauvreté qui empêchent les gens d'accéder à une alimentation saine. Le rapport s’appuie sur une vision dictée par les systèmes alimentaires agro-industriels dans laquelle la nourriture est considérée comme une simple marchandise et les consommateurs comme des « acheteurs ». La discussion laisse ainsi entièrement de côté les petit-e-s product-rices-eurs vivrier-e-s et les communautés rurales, pourtant parmi les plus touchées par la faim et la malnutrition.

 

Le rapport sur l’état du droit à l’alimentation et à la nutrition met en lumière ce que le rapport SOFI occulte 

À l’inverse, le rapport sur l’état du droit à l'alimentation et à la nutrition 2021, publié par le Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et à la nutrition (GNRTFN), met en lumière les causes structurelles de la faim et de la malnutrition souvent rendues invisibles par l’accent mis sur les statistiques par le rapport SOFI.

Le rapport du GNRTFN, publié aujourd’hui le 20 juillet, souligne dont les systèmes alimentaires paysans locaux basés sur l’agroécologie se sont révélés très résistants au milieu de la crise de Covid-19 et ont trouvé des moyens innovants pour y faire face. Ceci, malgré le parti pris envers le système alimentaire agro-industriel manifesté dans de nombreuses politiques gouvernementales en réponse à la pandémie.

« La pandémie a mis à nu la discrimination structurelle qui sous-tend nos sociétés et rend les gens vulnérables à la faim et à la malnutrition. Elle a dévoilé la complexité de la vulnérabilité causée par le système alimentaire industriel mondial, mais a également montré que les systèmes alimentaires locaux et les petit-e-s product-rices-eurs alimentaires sont résilients en temps de crise », indique le rapport.

Il exhorte également à « ne pas oublier que la faim et la malnutrition sont déjà présentes et même à la hausse depuis des années ». Et pour que nous puissions y remédier, la discrimination structurelle, les inégalités et les exclusions doivent être abordées en premier.

Les conclusions du rapport sont claires : « Nous ne reviendrons pas à la «normale» – ce   dont nous avons besoin, c'est d’un changement radical de direction ».

En savoir plus

UNFSS: Pas notre sommet

À travers le monde, les gens intensifieront en juillet leurs protestations contre le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires (UNFSS) et exposeront sa contradiction fondamentale entre son objectif de mettre fin à la faim et à la malnutrition et à guérir la planète, et son contrôle par les entreprises à l’origine même de ces problèmes.  

l’UNFSS, très critiqué, aura lieu en septembre 2021, et est préparé par un pré-sommet qui se tiendra à Rome du 26 au 28 juillet. Des milliers de paysan-ne-s et de petits product-rices-eurs, d’organisations de femmes et de jeunes, de peuples autochtones, d’éleveu-se-rs, de paysan-ne-s sans terre, de pêcheu-ses-rs, de travailleu-ses-rs du secteur de l’alimentation et de l’agriculture, de consommateurs, de personnes des milieux urbains vivant dans l’insécurité alimentaire, ainsi que des universitaires, des scientifiques et des représentants la société civile dans son ensemble se réuniront également physiquement et virtuellement dans la capitale italienne et à travers le monde  à partir de la veille du pré-sommet et jusqu'à ce que sa fin.

Les manifestant-e-s de plus de 300 organisations représentant plus de 380 millions de membres affiliés d’organisations et de mouvements de justice sociale du monde entier font partis de la réponse autonome des peuples au Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires.

Ces organisations ont appelé à une réorientation drastique de l'UNFSS en mars 2020 après que le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, ait nommé parmi les partenaires et acteurs clés du sommet l’ancienne ministre rwandaise de l’agriculture Agnes Kalibata, présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique – une organisation internationale à but non lucratif fondée par les fondations Melinda et Bill Gates et Rockefeller en 2006 – ainsi que Forum économique mondial (WEF), représentant environ 1 000 entreprises multinationales et transnationales et leaders de l'industrie.

L'UNFSS a été critiquée sur différents fronts, par exemple par des universitaires et des scientifiques, et trois rapporteurs spéciaux actuels et anciens des Nations Unies sur le droit à l’alimentation.

Tandis que les organisateurs de l'UNFSS réitèrent que la conférence est inclusive en la qualifiant de « sommet pour tous, partout », Sofia Monsalve, secrétaire générale de FIAN International, organisation membre de la réponse autonome des peuples au sommet, explique qu’en excluant les voix des personnes les plus touchées par la faim et les destructions environnementales causées en grande partie par les systèmes alimentaires industriels, l’UNFSS achève le contraire.

« Pourquoi alors les propositions d’élimination progressive des pesticides, de redistribution de la propriété foncière ou de responsabilisation des entreprises pour leurs violations de l’environnement et du droit du travail ne sont-elles pas sur la table ? Ce n’est pas logique d’appeler un dialogue ouvert et inclusif si certaines perspectives sont exclues et que l’ordre du jour a été fixé dès le départ par des acteurs représentant les intérêts des entreprises », a-t-elle déclaré.

« De toute évidence, l’UNFSS a mis à l'écart les organisations démocratiques et fondées sur les droits humains et a fait des représentants des entreprises parmi les principaux résolveurs des problèmes liés à l’alimentation que ces entreprises elles-mêmes ont ironiquement créé et perpétué », a ajouté Monsalve.

Quatre raisons pourquoi le UNFSS est « problématique »

Dans son dossier intitulé Le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires : Empêcher la transformation des systèmes alimentaires des entreprises, publié le jeudi 15 juillet, FIAN International a identifié quatre raisons pour lesquelles l’UNFSS est « problématique ».

Premièrement, le sommet étant à la merci des intérêts des entreprises, il est très donc susceptible de soutenir et de promouvoir des systèmes alimentaires agro-industriels qui « marginalisent » le droit des peuples à l’alimentation et à la nutrition et « exacerbent » leur « dépendance » à l'égard des chaînes de valeur mondiales et des sociétés transnationales qui les exploitent.

Deuxièmement, parce que l’UNFSS a un « fort parti pris » pour les entreprises, dont l’objectif principal est de maximiser les profits et non de nourrir les gens, le sommet continuera à traiter « la nourriture comme une marchandise et non comme un bien commun ou un droit humain ».

Troisièmement, le sommet « crée un caractère inclusif illusoire ». Mais en réalité, il manque de transparence et ne donne pas la priorité aux personnes les plus touchées par la faim, la malnutrition et la destruction environnementale.

Quatrièmement, parce qu’il impose une gouvernance multipartite, mettant les entreprises sur un pied d’égalité avec les gouvernements et autres entités. Le sommet a « légitimé le secteur des entreprises comme faisant partie de la solution alors que ce secteur est en réalité responsable de nombreux problèmes » et « a marginalisé les pays moins avancés des processus internationaux de prises de décisions ».

Le dossier a également exhorté les gouvernements à « mettre fin au multipartisme, à démocratiser les agences des Nations Unies et à mettre en œuvre des garanties solides contre les conflits d’intérêts », afin de « promouvoir des systèmes alimentaires locaux, résilients et agroécologiques » et « protéger les intérêts publics plutôt que privés ».

Le dossier souligne enfin que des systèmes alimentaires durables, justes et sains ne sont possible que si les gouvernements placent « le droit à une alimentation et une nutrition adéquates et la souveraineté alimentaire au cœur de la transformation ».

Cela signifie affirmer « les droits des peuples, des nations et des États à définir démocratiquement leurs propres systèmes d’alimentation, d’agriculture, d’élevage et de pêche, et à élaborer leurs politiques sur la façon dont les aliments sont produits, distribués et consommés ».

 

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Rejoignez les mobilisations citoyennes contre le sommet!

Lire le dossier Le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires : Empêcher la transformation des systèmes alimentaires des entreprises,

Le Rapport SOFI reconnaît le besoin urgent de transformation des systèmes alimentaires

L’année dernière, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est passé à 690 millions, et ce chiffre pourrait atteindre 840 millions d’ici 2030. En seulement 4 ans, le nombre de personnes souffrant d'insécurité alimentaire sévère a augmenté de 27,3%. De 83 à 132 millions de personnes supplémentaires en 2020 pourraient souffrir de la faim en raison de la pandémie du COVID-19. Même sans les effets négatifs de COVID-19, SOFI insiste sur le fait que le monde n'est pas sur la bonne voie pour atteindre l’objectif Faim zéro d'ici 2030 au sein de l'objectif de développement durable (ODD) numéro 2.

Le rapport SOFI de cette année met un accent particulier sur la transformation des systèmes alimentaires pour des régimes alimentaires sains et abordables. On estime que 3 milliards de personnes dans le monde ne peuvent pas se permettre une alimentation saine avec un certain nombre de produits, en raison du prix élevé des aliments et du manque de revenus. Dans le même temps, le rapport reconnaît que les régimes alimentaires actuels entraînent des coûts cachés que les sociétés doivent payer, comme les soins de santé et les compensations d'émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, SOFI conclut qu'un changement vers des régimes alimentaires plus durables et plus sains serait moins coûteux pour la société dans son ensemble, et appelle à des changements transformateurs dans les systèmes alimentaires qui rendent les « régimes sains avec des considérations de durabilité » plus abordables.

Alors que le rapport reconnaît les externalités sanitaires et climatiques des régimes alimentaires, SOFI ne se penche pas sur les coûts sociaux du système alimentaire industriel dominant, tels que les pratiques d’accaparement des terres, l’exploitation du travail et les inégalités de genre, en particulier pour les petit-e-s product-rices-eurs alimentaires, les paysan-ne-s, les pêcheurs, les éleveurs, les peuples autochtones et les citadin-e-s pauvres.

Dans l'ensemble, SOFI ne comprend pas la faim et la malnutrition comme une violation des droits humains. FIAN International revendique la nécessité d’adopter une perspective du droit à l’alimentation qui examine les causes structurelles de l’impossibilité d’accéder à une alimentation saine, comme l’héritage colonial de la division mondiale de la production alimentaire  et des politiques qui favorisent les cultures de rente de base orientées vers l’exportation au frais d'une alimentation saine, diversifiée et traditionnelle pour la consommation domestique.

Le rapport ne mentionne pas non plus l'agroécologie comme mode de production alternatif ainsi que la nécessité de systèmes alimentaires localisés basés sur le concept de souveraineté alimentaire, qui sont essentiels pour renforcer la résilience et garantir l’accès à l’alimentation, en particulier en temps de crise.

Charlotte Dreger, responsable des systèmes alimentaires durables chez FIAN International, déclare : « La véritable transformation du système alimentaire nécessite une perspective holistique et systémique fondée sur les droits humains. Les personnes les plus touchées par la faim et la malnutrition doivent façonner cette transformation. Leurs voix doivent être entendues dans les espaces de prise de décision tels que la négociation actuelle des Directives du Comité mondial de la sécurité alimentaire des Nations Unies sur les systèmes alimentaires et la nutrition, ainsi que dans la préparation du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires en 2021. »

Notes à la rédaction :

Le rapport SOFI 2020 sert de contribution au Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021, dont l’objectif primordial est d'aider les différents acteurs à mieux comprendre et gérer les choix complexes qui affectent l'avenir des systèmes alimentaires et à accélérer les progrès vers la réalisation des ODD d’ici 2030. Plus de 550 organisations de la société civile ont signé une lettre en mars 2020 à l’attention du secrétaire général des Nations unies exprimant leurs préoccupations concernant le processus, qui est davantage façonner pour profiter aux sociétés transnationales et au capital financier mondial.

Le rapport sur l'état du droit à l'alimentation et à la nutrition du Réseau mondial pour le droit à l'alimentation et à la nutrition, qui doit être publié le 22 juillet, sert de rapport complémentaire au SOFI. Le rapport fournit une analyse qualitative ancrée dans une perspective de droits humains de la faim et de la malnutrition qui est absente du SOFI.
Une analyse plus approfondie du rapport SOFI sera en outre incluse dans le troisième rapport de suivi sur le droit à l'alimentation et à la nutrition durant COVID-19 en septembre 2020.

Pour les questions relatives aux médias, veuillez contacter Charlotte Dreger, dreger@fian.org, ou Daniel Fyfe, fyfe@fian.org 
 

Communiqué aux ministres de l’agriculture du G20

Tandis que l’urgence sanitaire COVID-19 déclenche une crise sociale et économique plus large, les mesures d’urgence doivent aller au-delà de la garantie de la circulation des denrées alimentaires. Un éventail plus large de mesures est nécessaire afin de garantir la sécurité alimentaire, dans cette crise et au-delà, déclare FIAN International, ainsi que d'autres organisations, dans un communiqué.

Tout en reconnaissant que les gouvernements doivent se coordonner étroitement pour se prémunir contre les interruptions des chaînes d’approvisionnement alimentaire, les organisations soulignent qu’« il est nécessaire de veiller à ce que ces mesures ne compromettent pas la sécurité alimentaire, la santé et les moyens de subsistance de ceux qui produisent de la nourriture pour le monde».

« Les mesures d’urgence en cas de crise ne devraient pas détourner l’attention de la nécessité tout aussi urgente de reconstruire sur de nouvelles bases un système alimentaire qui exploite la terre, pollue l’eau, détruit rapidement la biodiversité, alimente la crise climatique et incube les futures pandémies. Le système alimentaire est très vulnérable aux chocs en raison de sa dépendance à l'égard des intrants externes et des longues chaînes d'approvisionnement. Les systèmes alimentaires locaux ne peuvent pas prospérer lorsque les agriculteurs sont découragés de conserver et d’échanger les semences. Les chocs sont amplifiés lorsque les systèmes nationaux de réserves alimentaires sont démantelés sous pression, même si ces réserves n’entrent jamais dans le commerce international. Le monde peut basculer de crise en crise, ou nous pouvons commencer dès maintenant à construire le système alimentaire résilient et durable dont le monde a désespérément besoin », indique le communiqué.

De l’avis des organisations signataires, le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale, l’organe le plus inclusif où les groupes les plus touchés par la faim et la malnutrition peuvent participer à l’élaboration des décisions intergouvernementales sur les meilleurs politique pour le droit à l’alimentation, doit être en charge de la coordination d’une réponse politique mondiale cohérente.

Vous pouvez lire le communiqué ici
Pour les questions relatives aux médias, veuillez contacter delrey@fian.org 
 

Le Sommet de l’ONU sur les systèmes alimentaires doit être façonné par ceux et celles les plus affecté-e-s par la faim et la malnutrition

Le FEM représente les intérêts de ceux qui détruisent l’environnement et violent nos droits humains. Il ne peut pas être considéré comme un partenaire stratégique dans la résolution des crises mondiales. Les entreprises de la chaîne industrielle mondiale sont en elles-mêmes les principaux moteurs de la destruction écologique, de la réduction de la biodiversité et de l'augmentation des taux de faim et de malnutrition. Elles sont responsables de la destruction de 75 milliards de tonnes de terre végétale par an et contrôlent le marché responsable de la parte annuelle coupe 7,5 millions d'hectares de forêt. Ces activités représentent au moins 90% de l’utilisation de combustibles fossiles dans l’agriculture (et les émissions de GES). Pendant ce temps, les agriculteurs familiaux et les petits producteurs alimentaires sont à l'origine de 75% de la production alimentaire mondiale (pour la consommation humaine et non pour les biocarburants) grâce à des pratiques respectueuses de l'environnement.

Et pourtant, l'ONU se tourne vers le monde des affaires pour résoudre les crises mondiales.

Dans une lettre remise au secrétaire général de l’ONU la semaine dernière, António Guterres, 550 organisations de la société civile (OSC), universités et mouvements sociaux du monde entier appellent à repenser l’organisation du sommet.

Le Forum économique mondial (FEM), qui a signé un accord de partenariat stratégique avec le Secrétaire général de l’ONU en juin dernier, exploite les opportunités de la révolution technologique au profit des sociétés transnationales et du capital financier mondial. Ériger le FEM en tant qu’architecte du sommet nous éloignerait des vraies solutions aux crises actuelles des systèmes alimentaires et du changement climatique.

L'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) proposent un modèle différent. Le CSA est largement reconnu comme le Comité des Nations Unies le plus inclusif et le plus participatif où les groupes les plus touchés par la faim et la malnutrition peuvent participer de manière significative à l’élaboration des décisions intergouvernementales sur les meilleures politiques pour le droit à l’alimentation. Le CSA négocie actuellement des directives sur les systèmes alimentaires et la nutrition ainsi que des recommandations pour des politiques sur l’agro-écologie, qui répondent toutes les deux aux préoccupations que le sommet proposé par les Nations-Unies souhaite poursuivre.

De même, la FAO a adopté des politiques claires pour l’engagement avec la société civile, les peuples autochtones et les petits producteurs alimentaires, ainsi que des cadres politiques et des processus de fond pour transformer les systèmes alimentaires.

Mettre ces deux organes, ainsi que les gouvernements – en particulier des pays les plus touchés par l'insécurité alimentaire et la crise climatique – au premier plan lors de la définition du sommet, garantirait une gouvernance alimentaire multilatérale et inclusive. Cela nous rapprocherait de véritables solutions aux crises mondiales.

La pandémie du COVID-19 met en évidence plus que jamais les vulnérabilités et les risques d'un système alimentaire industriel mondialisé. Cela ne peut plus être ignoré : la communauté internationale doit s'attaquer d'urgence aux impacts à court et à long terme sur le droit à l'alimentation et à la nutrition de tous les peuples, en particulier des groupes les plus discriminés et marginalisés. La crise actuelle renforce la nécessité d'une transformation des systèmes alimentaires.

Les OSC ont également exprimé leur inquiétude concernant la nomination d’Agnès Kalibata en tant qu’envoyée spéciale des Nations-Unies au sommet. Comme présidente de l’alliance dirigée par l'agro-industrie AGRA, son rôle au sommet créerait un conflit d'intérêts. Cette décision risque d’accentuer davantage l’influence des entreprises lors du sommet. Ne pas tenir compte du rôle potentiel des personnes les plus touchées par la faim et la malnutrition rendrait la gouvernance alimentaire vraiment antidémocratique.

Vous pouvez lire la lettre ici

Pour les questions relatives aux médias, veuillez contacter delrey@fian.org