CEDEF : Les femmes au Bénin sont confrontées à des violations des droits humains en raison d'expulsions forcées

Deux groupes de la société civile, l'Organisation Non Gouvernementale d'Appui au Militantisme et à l'Autonomisation d'un Monde Rural Responsable et Engagé (AMARRE-Bénin) et la Coopérative des Artisans-Maraichers-Pêcheurs de Ouidah (AMAPECH) ont soumis un rapport parallèle sur le Bénin – avec le soutien de FIAN International – au Comité pour l'Elimination de toutes les formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF).

Les expulsions forcées dans le village de Kouvènanfidé, pour faire place à un centre de villégiature et à une route côtière, ont entraîné de multiples violations des droits humains, notamment le droit à l'alimentation et à la nutrition, le droit à la terre, le droit à l'eau, le droit à un logement adéquat, le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit au travail, le droit à un environnement propre, sain et durable, le droit à la vie culturelle et le droit d'obtenir justice et réparation en temps utile. Bien que tous les membres de la communauté aient été touchés, ce rapport parallèle se concentre sur les droits des femmes.

Les membres de la communauté ont perdu des biens et des actifs, notamment des maisons, des terres, des cultures et des moyens de générer des revenus qui les aidaient à se nourrir et à être financièrement indépendants. Aujourd'hui, ils vivent dans des conditions précaires, dans un contexte de pauvreté croissante et d'incertitude quant à l'avenir.

« Les expulsions forcées ont causé des souffrances physiques et psychologiques aux membres de la communauté et en particulier aux femmes. Les femmes enceintes et celles qui allaitent ont du mal à obtenir suffisamment de nutriments pour leurs bébés et leurs enfants. En même temps, lorsqu'elles sont malades, il leur est très difficile d'accéder aux centres de santé, qui sont très éloignés du site de relocalisation », explique Jerry Tchiakpe, responsable du projet et de la communication chez AMARRE-Bénin.

L'absence de compensation adéquate continue de plonger les membres de la communauté dans la misère, en particulier ceux qui n'ont pas été relogés. Certains membres de la communauté dorment dehors et les femmes en particulier sont exposées à toute une série de dangers, y compris la violence sexuelle.

« Le gouvernement du Bénin doit se conformer davantage à ses obligations internationales en matière de droits humains et veiller en particulier à ce que les droits des femmes soient protégés dans ce cas d'expulsion forcée », déclare Valentin Hategekimana, coordinateur pour l'Afrique à FIAN International.

« Les responsables des violations des droits humains doivent rendre des comptes ».

Lisez le rapport parallèle complet de la CEDEF sur le Bénin ici.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Valentin Hategekimana hategekimana@fian.org

Nous nous rebellerons! Les femmes dans le monde qui contestent le système alimentaire

Dans le contexte actuel de montée de la faim et de l’effondrement écologique, les femmes et toutes les personnes qui cherchent à réinventer l’alimentation, l’environnement et les économies font face à un nombre sans cesse croissant d’attaques. Ce numéro de l’Observatoire du droit à l’alimentation et à la nutrition est une publication opportune et nécessaire : les auteures abordent des questions essentielles du pouvoir et exposent la violence structurelle qui dénigre les femmes et l’environnement.

Paradoxalement, les femmes constituent l’essentiel des producteurs et productrices de produits alimentaires dans le monde, mais elles souffrent démesurément de la faim. De plus, cela reste largement méconnu. Bien que les expériences et l’accès à l’alimentation des femmes ne soient pas uniquement influencés par leur sexe, mais aussi par leur race, leur classe et leur orientation sexuelle, toutes les femmes sont touchées par la violence. À certains endroits, elles sont sous-représentées, marginalisées et exclues, invisibles dans les politiques, les données et la recherche. Dans d’autres cas, l’autoritarisme et le conservatisme religieux limitent l’autonomie alimentaire et l’intégrité physique des femmes. Dans le monde entier, les femmes sont exploitées et dépossédées de leurs terres et de leurs ressources.

Malgré tout, contre toute attente, comme le montre abondamment ce numéro, les femmes s’organisent, se mobilisent et exercent leur autonomie dans le monde entier. Dans les champs du Mali et de l’Inde, les femmes cultivent des aliments nutritifs d’une manière juste sur le plan social et environnemental. Dans les rues du Brésil, elles manifestent contre la violence dans le secteur agroalimentaire grâce à la Marche des pâquerettes. Les femmes qui migrent de l’Amérique centrale vers l'Amérique du Nord font face à l’adversité, tandis qu'à Jinwar, dans le nord de la Syrie, elles construisent une nouvelle société et cultivent la nourriture collectivement. Au niveau mondial, les femmes influencent les prises de décisions au niveau international dans le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale.

Cette publication est le résultat d’un processus de réflexion collective mené par les femmes. Ici, les auteures invitent les mouvements féministes et autour de l'alimentation, qui sont aussi divers que leurs luttes et leurs antécédents politiques, à nouer des alliances et à se joindre à la discussion pour faire avancer les droits des femmes, y compris des jeunes femmes et des filles. Leur mission est de créer des systèmes alimentaires justes.

Face aux crises multiples, la force de la résistance individuelle et collective des femmes pour ouvrir la voie à de meilleures relations sociales et écologiques ne peut être sous-estimée.

Vous pouvez accéder à la publication et son supplément ici.
Pour des questions relatives aux médias, veuillez contacter diaz(at)fian.org

Note à la rédaction : pour la deuxième année consécutive, la publication s’accompagnera d’un supplément qui offre un aperçu succinct et visuel des principaux messages.

Journée de la femme : à la pêche de justice pour les femmes

Créée à l’origine pour contribuer à la réalisation du suffrage des femmes dans le monde entier, la Journée internationale de la femme est depuis 1910 devenue un jour symbolique pour les lutte des femmes. Ce jour-là, FIAN International, conjointement avec World Forum of Fisher Peoples (WFFP), World Forum of Fish Harvesters & Fish Workers (WFF), The Transnational Institute (TNI) et CROCEVIA, aimerait attirer l'attention du monde sur la lutte des femmes qui vivent de la pêche pour leur droit à l’alimentation et à la nutrition.

Selon le WFFP « il n’existe pas de définition unique permettant de décrire de manière homogène l’expérience des femmes dans le secteur de la pêche ».

Les femmes jouent un rôle crucial dans la pêche tout au long de la chaîne de production: capture, commercialisation, vente aux enchères et activités telles que la transformation, le conditionnement, la production de produits à valeur ajoutée et la fourniture de services aux bateaux sur les sites de débarquement. Avant la récolte, les femmes sont responsables de tâches exigeantes et fastidieuses, telles que le tissage des filets ou la préparation des repas. Tout au long des activités après la récolte, elles se livrent au commerce, fumage ou transformation du poisson. La cueillette artisanale à la main est une autre activité, par exemple la cueillette de mollusques et de crustacés dans les eaux intérieures et les lagons. Ces activités peuvent être rémunérées ou non, et varient d’une région à l’autre. Ce qui ressort, cependant, est que ce rôle multidimensionnel joué par les femmes reste non rémunéré et/ou non reconnu.

Premièrement, la pêche est encore perçue comme une tâche essentiellement masculine en dépit de la lourde charge de travail des femmes. Les soins et les activités ménagères ne sont pas reconnus comme un « vrai travail ». Et les emplois féminins tels que le chargement de tête et la vente de poisson séché sont sous-évalués. En outre, comme l’a souligné le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, les femmes occupent souvent les emplois les moins bien rémunérés, sont susceptibles de recevoir des salaires inférieurs à ceux de leurs homologues masculins pour le même travail et sont généralement sous-payées par des intermédiaires tout au long de la chaîne d’approvisionnement, même lorsqu’elles travaillent en tant que pêcheuses indépendantes à temps plein.

En outre, avec la diminution des stocks de poissons, la migration des hommes à la recherche de solutions de remplacement a finalement alourdi la charge des femmes laissées pour compte. Une réalité qui a finalement transcendé les normes culturelles sociales en augmentant la présence des femmes dans les activités de pêche, tout en continuant à conserver les rôles qui leur sont assignés, ce qui les oblige à rester les principales responsables du travail social en matière de reproduction.

Deuxièmement, les grands projets d’infrastructures côtières, la privatisation des plans d’eau, les programmes de conversion de l’environnement et l’accaparement des mers menacent l’accès des pêcheurs, des femmes et des hommes aux ressources de production et aux revenus. Les femmes sont touchées de manière disproportionnée car ceci aggrave davantage les obstacles auxquelles elles se heurtent déjà pour accéder aux ressources naturelles et exercer leur droit à l'alimentation et à la nutrition en raison de lois discriminatoires et de normes sociales patriarcales. Nampala Jamawa, sur le site d'atterrissage de Mukono, en Ouganda, a déclaré: « de nos jours, le seul moyen de garantir l’accès au poisson frais à des fins commerciales est lorsque votre mari est pêcheur ou que vous possédez un bateau. Ne pas avoir accès aux plans d’eau signifie pas d’accès au poisson, qui est la source d’emploi des femmes ».

Troisièmement, l’accès non règlementé aux mers fourni par les États aux entreprises a entraîné une augmentation des déplacements et de l'externalisation de la main-d'œuvre provenant du secteur de la pêche, ainsi qu’une féminisation de la main-d'œuvre. Comme l’a noté le Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation, même avec un emploi formel dans le secteur, les femmes travaillent dans de mauvaises conditions en l’absence de structures d’accueil pour enfants, de congés de maternité ou de protection contre les risques professionnels. De plus, les femmes continuent de faire face à différentes formes de harcèlement sur leur lieu de travail, tandis que les acteurs privés bénéficient d’une faible application de la loi.

Dans son rapport annuel sur les défenseurs des droits des femmes cette année, Michael Forst a indiqué que « la mondialisation et les politiques néolibérales », telles que celles énumérées ci-dessus, « ont conduit à une perte de pouvoirs économiques et à des inégalités de pouvoir qui affectent les droits des femmes ». La mise en œuvre des projets qui détruisent l’environnement et déplacent les communautés génèrent la marginalisation, l’appauvrissement et fragmentent les communautés et les familles. Cependant, comme le souligne Forst, les femmes défenseuses ont été à l’avant-garde pour protester contre de tels changements et revendiquer leurs droits, souvent avec beaucoup moins de ressources que ceux contre lesquelles elles résistent. Bien qu’elles vivent souvent sous des normes sociales discriminatoires et des gouvernements autoritaires qui criminalisent ceux qui contestent le lien entreprise-État, les femmes continuent de s’organiser pour défendre leurs droits.

Le droit à une alimentation et à une nutrition adéquates exige une approche intégrée garantissant la prise en compte de toutes les causes structurelles de la faim et de la malnutrition tout au long de la chaîne alimentaire: de l’accès, contrôle, gestion et propriété des plans d’eau, à la transformation des aliments, commercialisation, promotion et protection sur le lieu de travail, en passant par les revenus et les modes de consommation décents, jusqu’au moment où la nourriture est effectivement consommée en tant qu’élément indispensable à la nutrition et à la santé, individuellement ou en communauté avec les autres tout au long de leur vie.

WFFP, WFF, TNI, CROCEVIA et FIAN International invitent par conséquent d’autres organisations de défense des droits humains à unir leurs forces et à demander aux États d’honorer leurs obligations juridiques internationales énoncées dans les traités sur les droits humains et les instruments juridiques non contraignants qui protègent les femmes en leur garantissant leurs droits aux ressources, ainsi que la poursuite d’un monde exempt de multiples formes de violence. Ces obligations se trouvent dans des documents telles que les Directives sur la pêche artisanale, la recommandation générale 34 du Comité de la CEDEF sur les droits des femmes rurales, et les normes énoncées dans la Déclaration sur les droits des paysan.ne.s et autres personnes travaillant en milieux ruraux récemment approuvée.

Renforcer le droit des femmes rurales

A l’occasion de la 62ème session de la Commission de la condition de la femme, FIAN International, en tant que Secrétariat du Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et la nutrition (GNRTFN), ensemble avec 25 autres organisations, a soumis une contribution écrite sur le droit à l’alimentation et à la nutrition des femmes rurales.

La contribution a souligné que les menaces basées sur le genre à l’égard du droit à l’alimentation et à la nutrition des femmes rurales sont inextricablement liées aux normes et pratiques patriarcales omniprésentes qui discriminent les femmes et les filles. Elle a également mis l’accent sur le modèle économique et de développement actuel, qui est généralement connu pour rechercher les profits, exploiter les personnes et les ressources naturelles, et être fortement orienté vers la croissance.

En particulier, la contribution s’est concentrée sur les menaces pesant sur les moyens de subsistance des productrices alimentaires rurales, le manque d’accès au travail décent pour les travailleuses rurales et l’importance de la santé sexuelle et reproductive et des droits pour la pleine réalisation du droit à l’alimentation des femmes. Elle a également examiné la situation précaire des femmes et des filles autochtones, l’isolement historique du droit à l’alimentation avec un langage juridiquement contraignant de celui des droits des femmes au sein des principaux traités internationaux relatifs aux droits humains, et a conclu avec des revendications clés pour réaliser le droit à l’alimentation des femmes rurales.

La contribution a lieu dans le contexte de l’adoption officielle du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Ceci marque le début d’une nouvelle phase de suivi du développement alors que tous les pays s’efforcent de traduire les ODD – y compris l’objectif 2 sur la faim zéro et l’objectif 5 sur l’égalité des genres – dans leurs contextes nationaux respectifs. En même temps, elle offre l’occasion à la société civile de rappeler aux États la nécessité de maintenir les droits humains, de s’attaquer aux causes structurelles de la faim et de la malnutrition, ainsi qu’aborder la pleine participation des femmes dans tous les processus de suivi.

Vous pouvez lire la contribution ici.
Pour plus d’informations, veuillez contacter cordova[at]fian.org

La journée des femmes: pas une journée, une lutte constante

Reconnues par tous les traités internationaux de droits humains comme détentrices de droits, les femmes ont droit à l'égalité de rémunération pour un travail égal, à la santé reproductive et sexuelle, d'accéder à la propriété, à l'éducation, à la sécurité sociale et à la participation politique. L'interdépendance des droits humains est telle que toute discrimination enfreignant la jouissance de droits politiques, civiques, économiques, sociaux ou culturels et créant ainsi un déséquilibre dans la vie d'une personne, empêche la réalisation de ces droits, dont le droit de se nourrir soi-même.

En 2017, les femmes n'ont toujours pas accès à un revenu décent, qu'elles soient employées ou indépendantes, ce qui les empêche de pouvoir garantir leur propre accès à une alimentation adéquate quantitativement et qualitativement. Femmes et filles souffrent de malnutrition de manière disproportionnée et n'ont pas accès aux moyens d'y remédier. Concrètement, Comme l'aborde “

Droits des femmes: le droit de nourrir l'égalité”, on ne peut faire l'impasse sur la participation fondamentale des femmes au cycle intégral de production alimentaire. Les femmes cultivent, labourent et récoltent

plus de 50% de l'alimentation mondiale. Elle contribuent de manière significative à la reproduction de la main-d’œuvre dans le secteur alimentaire en participant aux activités de pré-récolte et de post-récolte, en préservant et en transférant les savoirs traditionnels au sein de leurs communautés et en assumant en outre la responsabilité de s'occuper de leurs proches et de les soigner, dans les zones urbaines comme rurales. Or, moins de 2 % des terres des zones rurales appartiennent à des femmes et elles sont écartées des postes décisionnels en lien avec la gestion et le contrôle des ressources naturelles, fondamentaux de la production alimentaire.

Force est de constater que lois et politiques maintiennent les femmes dans une condition de sexe faible, notamment en leur qualité de productrices d'alimentation, et négligent les obstacles spécifiques qui les empêchent d'accéder à l'alimentation et à la nutrition de façon adéquate durant tout leur cycle de vie. De tous temps, elles ont du lutter contre la soumission, le mépris de leurs réalités particulières et de leur condition dans la société.

Une mobilisation systématique s'impose d'urgence

La Journée Internationale des luttes des femmes ne peut être abordée sous le prisme d'une journée, d'un moment de célébration ou de critique ponctuelles, mais bien comme l'occasion d'une réflexion plus profonde sur une lutte continue. La crise politique que le monde traverse aujourd'hui, qui menace non seulement l'avancement des droits des femmes mais aussi les progrès déjà engrangés, appelle de toute urgence à une mobilisation des peuples.

Tout effort visant à faire progresser l'humanité vers un ordre social plus juste doit prendre en compte les différents types de relations que les femmes entretiennent avec le monde et avec leur environnement, leur statut dans les sphères publique et privée de la société et les droits fondamentaux qui les protègent. Sans cela, le progrès ne sera pas.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter

delrey[at]fian.org