Malgré les 27 années écoulées, le Programme global de réforme agraire (PGRA), une mesure de justice sociale qui pourrait garantir le droit humain à l’alimentation adéquate et à la nutrition de millions de personnes dans les zones rurales des Philippines, n’est toujours pas pleinement mis en œuvre. FIAN International et FIAN Philippines saluent les dispositions récentes prises par le Ministère de la réforme agraire (MRA), mais nous rappelons toutefois le besoin urgent d’appliquer la réforme agraire dans son intégralité et de manière efficace afin de faire régner la justice sociale dans le pays. Nous continuons à exprimer notre solidarité aux paysans et paysannes sans terre, et appelons le gouvernement des Philippines à mettre un terme à ces décennies de lutte pour la réforme agraire.
Le gouvernement des Philippines a lancé le PGRA en 1988. Cependant, presque trois décennies plus tard, de nombreux paysans et paysannes se voient toujours refuser l’accès à la terre, ce qui constitue une violation et une menace à ce droit humain fondamental. La constitution des Philippines de 1987 stipule que le gouvernement doit entreprendre un vaste programme de réforme agraire significatif. Les Philippines sont aussi un État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) qui prévoit le droit à une nourriture suffisante pour tous. Dans ces conditions, les Philippines sont tenues, à double titre, d’assurer la réalisation du droit humain à l’alimentation et à la nutrition, et ce, en mettant en œuvre le PGRA de manière efficace.
Après presque trois décennies, il est temps que la lutte pour la réforme agraire aux Philippines s’achève enfin. Des milliers d’ouvriers agricoles sont toujours sans terre et ce sont les femmes et les enfants qui souffrent le plus de la faim et de la pauvreté. De nombreux travailleurs sont victimes de harcèlements et de manœuvres d’intimidation de la part des propriétaires terriens. Certains d’entre eux se sont même battus pour leur terre, au prix de leur vie. Le droit des ouvriers agricoles à l’alimentation adéquate est constamment bafoué, étant donné que le gouvernement des Philippines néglige de prendre des mesures immédiates en vue de protéger les ouvriers, qu’il se garde d’accélérer le processus de distribution des terres et qu’il ne leur fournit pas les services de soutien essentiels.
Deux cas démontrent l’inefficacité de la mise en œuvre du PGRA, ainsi que les violations du droit des ouvriers agricoles à l’alimentation adéquate et à la nutrition commises par le gouvernement.
A l’Hacienda Matias, pendant plus de dix ans, le gouvernement philippin n’a pas protégé le droit à la terre et par conséquent le droit à l’alimentation adéquate et à la nutrition des travailleurs agricoles bénéficiaires. L’Hacienda, située dans la Péninsule de Bondoc, dans la Province de Quezon, couvre une surface de 1716 hectares de plantations de noix de coco. Malgré le fait que 283 des 500 travailleurs agricoles aient reçu des titres de propriété en décembre 2014, un grand nombre d’entre eux n’ont pas pu pénétrer dans l’Hacienda et récolter leurs cultures en paix, en raison de la forte résistance exercée par les anciens propriétaires terriens. Un mois de campement devant le siège du MRA à Manille a poussé le gouvernement, avec le soutien de la police et de l’armée, à aider les ouvriers agricoles bénéficiaires à accéder enfin à leurs terres. Ce n’est qu’un premier pas, car plus de 200 ouvriers agricoles bénéficiaires attendent encore l’attribution de leurs terres pour pouvoir se nourrir, eux et leur famille.
Dans le deuxième cas, la réforme agraire concernant les 6 453 hectares de terres de l’Hacienda Luisita dans la Province de Tarlac est au point mort. Au moment de la rédaction du présent document, la majorité des 5990 ouvriers agricoles bénéficiaires n’ont toujours pas de contrôle sur leur terre en raison des contrats de bail informels, généralement d’une durée de trois ans. Les circonstances les ont en effet obligés à souscrire des contrats informels avec des « ariendador », des personnes jouissant d’une influence politique et économique, qui en échange de la terre leur octroient de petits prêts à l’année leur permettant de vivre. Le MRA a encore une fois échoué dans son obligation à mettre en place des services de soutien économiques essentiels, tels que fournir des réserves de graines, des pompes à eau, ou des outils agricoles aux bénéficiaires afin qu’ils puissent cultiver leur terre et nourrir leur famille sans souscrire d’onéreux contrats de bail. Par ailleurs, aucun service de soutien n’est fourni à ceux qui n’ont pas loué leur terre aux « ariendador ».
FIAN International et FIAN Philippines appellent le gouvernement philippin à assurer la réalisation du droit humain des ouvriers agricoles bénéficiaires à l’alimentation adéquate et à la nutrition à l’Hacienda Matias : en accélérant le processus de distribution des terres, en procédant notamment à l’arpentage des parcelles restantes, en accélérant la distribution des titres fonciers aux ouvriers agricoles bénéficiaires et en maintenant la paix sur le terrain. A l’Hacienda Luisita, il est impératif d’enquêter sur les contrats de bail informels des terres ainsi que sur le manque ou l’absence de services de soutien économiques aux ouvriers agricoles bénéficiaires afin qu’ils puissent réclamer leur terre aux « ariendador » et la rendre productive.
Non seulement la réforme agraire est garantie par la constitution des Philippines, mais comme indiqué précédemment, les Philippines sont un État partie au PIDESC qui prévoit le droit à une nourriture suffisante pour tous. En conséquence, le gouvernement des Philippines est dans l’obligation d’assurer la réalisation de ce droit fondamental en mettant en œuvre le PGRA et en s’assurant que les ouvriers agricoles bénéficiaires reçoivent la terre qui leur revient de droit, tout en leur fournissant les services de soutien nécessaires. Ce sont des conditions primordiales pour leur permettre de se nourrir et de nourrir leur famille de manière adéquate.
FIAN International and FIAN Philippines demandent le respect, la protection et la réalisation du droit humain à l’alimentation adéquate et la nutrition, et ce, par la mise en œuvre efficace du PGRA.