FIAN lance un cours sur le droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique pour les activistes

Le programme d’études sur le droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique a été élaboré par des experts de l’université de Makerere en Ouganda. Un cours pilote a eu lieu à Kampala en décembre. Le cours couvre les questions environnementales, économiques, socioculturelles et politiques qui ont un impact sur le droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique sub-saharienne. Il introduit également une réflexion conceptuelle sur la manière de répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels actuels et futurs de la région.

« Il s’agit d’un outil important pour la création et la formation d’un groupe de militant·e·s et de défenseu·ses·rs des droits humains qui peuvent contribuer à la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique », explique Valentin Hategekimana, le coordinateur Afrique pour FIAN International.

Le cours de cinq jours utilise des méthodes participatives et des techniques d’apprentissage par l'expérience qui s’appuient sur les connaissances et les expériences des participant·e·s. Bien que principalement destiné aux activistes et défenseu·ses·rs des droits humains, le cours est également ouvert aux participant·e·s issus du monde universitaire, du gouvernement, des organismes intergouvernementaux et du système judiciaire.

« Cette formation est liée à ma réalité quotidienne. Elle va influencer mon travail », a déclaré Charles Opiyo, un responsable des droits des semences d'Oxfam qui a suivi le cours en Ouganda, ajoutant que la capacité et la possibilité pour les agriculteu·se·rs de produire leur propre nourriture est un élément essentiel du droit à l'alimentation.

Cissy Ssempala, avocat et défenseur des droits humains ougandais, a également participé à la formation.

« J’ai appris que le droit à l’alimentation… va bien au-delà d’un texte de loi. C’est un moyen de subsistance qui englobe tellement de droits », dit-elle. « À l’avenir, dans ma pratique, je vais essayer de réfléchir à ce que j’ai appris ici et de l’intégrer. Cela va faire de moi une meilleure avocate des droits humains. »

 Les principaux objectifs du cours sont :

– Permettre aux participant·e·s de comprendre l’alimentation, la nutrition ainsi que le contenu juridique et les fondements de l’alimentation et de la nutrition en tant que droit ;

– Améliorer les connaissances des participant·e·s et renforcer leurs compétences pour assurer la réalisation progressive du droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique ;

– Identifier et discuter des problèmes affectant la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique et comment ceux-ci pourraient être surmontés ;

– Rassembler les militant·e·s et de défenseu·ses·rs des droits humains et créer un groupe de personnes habilitées à s’engager sur les questions de droit à l'alimentation et de nutrition en Afrique et à les aider à comprendre leur rôle dans la gestion des violations et des abus vis-à-vis des communautés affectées ;

– Partager les expériences et les meilleures pratiques pour la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition en Afrique ; et

– Reconnaître la diversité d’expériences, de perspectives et de priorités en ce qui concerne le droit à l’alimentation et à la nutrition, et favoriser des espaces collectifs de collaboration basés sur le respect mutuel.

Pour plus d’informations, veuillez contacter Valentin Hategekimana, le coordinateur Afrique pour FIAN International, à l’adresse suivante: hategekimana@fian.org.

 

De la faim au viol : L’ONU doit enquêter sur les violations des droits des femmes en Ouganda

FIAN a interpelé le comité de l'ONU chargé de surveiller la mise en œuvre d'un traité mondial visant à mettre fin à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. L’organisation lui demande de se pencher sur les nombreuses violations perpétrées de longue date contre les droits des femmes rurales et des pêcheuses en Ouganda, liées à des accaparements de terres et des restrictions de leurs activités de pêche.

Dans un rapport parallèle de 10 pages qu'elles ont récemment soumis au Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), FIAN Ouganda et FIAN International ont également appelé ledit comité à demander au gouvernement ougandais, sous l'administration Museveni, de rendre « rapidement justice » à des centaines de femmes rurales du district de Mubende et de pêcheuses du district de Mukono et de poursuivre les auteurs des violations de leurs droits.

La faim, le viol, et la persistance de la violation des droits des femmes

Le rapport souligne que le gouvernement a perpétué la faim, le sans-abrisme et le manque d'accès à l'éducation, à l'eau et à la santé chez ces femmes en négligeant leur situation.

FIAN déplore également que le gouvernement n'ait pas enquêté sur les cas de viols et de violences domestiques dont les femmes ont été victimes et qu'il ne leur ait pas donné accès à la justice en temps voulu.

FIAN met également en lumière que le gouvernement ougandais, en ne répondant pas à la détresse de ces femmes, n'a pas non plus respecté ses obligations au titre de la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW).

L'Ouganda a ratifié ce traité en 1985, donnant mandat à son gouvernement de prendre les mesures législatives et non législatives appropriées pour interdire toute forme de discrimination à l'égard de ses citoyennes. 

« L'État ougandais n'a rien fait pour que les femmes du (…) district de Mubende ne soient illégalement expulsées. [E]t, même après cette expulsion illégale, l'État ougandais n'a rien fait pour soulager la faim, la malnutrition et la souffrance de ces femmes », a déclaré FIAN au Comité CEDAW, composé de 23 experts indépendants sur les droits des femmes du monde entier.

L'expulsion a eu lieu en 2001, lorsque l'armée ougandaise a violemment chassé les femmes de Mubende et leurs familles de leurs 2 524 hectares de terres pour laisser place à la plantation de café Kaweri Ltd, propriété à 100 % du groupe allemand Neumann Kaffee Gruppe et qui loue la propriété pour 99 ans. (LIRE L'ARTICLE SUR L'AFFAIRE MUBENDE ICI).

Certaines femmes expulsées, qui n'avaient d'autre choix que de travailler pour la plantation, ont signalé des cas de harcèlement sexuel et de viol sur la propriété foncière, indique FIAN dans son rapport. « (Malheureusement), (les) victimes n'ont pas obtenu justice (…) [P]ar exemple, la police n’a mené aucune enquête après qu’une femme lui a signalé qu’elle avait été violée. »

Brutalité des forces armées et accusations de sorcellerie 

FIAN a en outre indiqué au Comité CEDAW que les pêcheuses artisanales de Mukono sont aussi confrontées à la faim et à la malnutrition « en raison de la brutalité des Forces de défense populaires de l'Ouganda (UPDF), qui ont détruit leur matériel de pêche et suite aux actes de chasse aux sorcières. »

« Les accusations de sorcellerie s'accompagnent généralement de destructions de maisons, touchant particulièrement les femmes et les enfants », a déclaré FIAN.

« Plusieurs femmes ont été attaquées par d'autres membres de la communauté les accusant de sorcellerie au motif de leur bonne pêche. Leurs biens ont été confisqués ou détruits et elles vivent sans aucune protection de l'État. »

L'organisation a ajouté qu'elle avait documenté des cas d'accusations et de punitions arbitraires « disproportionnées » à l'encontre de pêcheuses accusées de sorcellerie « sans aucune réponse des structures étatiques. »

Remplir les obligations du traité, répondre à la détresse des femmes

FIAN a déclaré que le gouvernement doit indemniser les femmes victimes pour les dommages et les souffrances qu'elles ont endurés suite à l'expulsion de la plantation de café et aux violences commises par l'UPDF.

FIAN a également demandé au Comité CEDAW de recommander au gouvernement ougandais de s'acquitter de ses obligations conventionnelles en répondant à la situation critique de ses femmes par les mesures suivantes :  

  • Garantir leur accès libre à l'eau potable en quantité suffisante
  • Mettre en place un programme visant à construire des logements appropriés pour les personnes expulsées et les communautés de pêcheurs.
  • Leur fournir de la nourriture, des terres arables et l'accès à des lacs pour la pêche.
  • Veiller à ce que les filles et les femmes aient accès à l'éducation
  • Assurer aux femmes et à leurs familles des conditions de travail convenables et sûres et des revenus décents.
  • Veiller à ce que les femmes expulsées soient protégées contre le viol, le harcèlement sexuel, la violence domestique et la prostitution, mener des enquêtes sérieuses et poursuivre les responsables de ces crimes.
  • Protéger les femmes stigmatisées comme sorcières, les indemniser de manière adéquate pour les dommages et préjudices qu'elles ont subis et poursuivre les auteurs de ces crimes. 

Pour toute question ou information complémentaire, vous pouvez contacter Valentin Hategekimana, coordinateur Afrique de FIAN International, à l'adresse hategekimana@fian.org

Ouganda: confronté à de graves violations des droits humains dans le cadre du projet de Total

Le géant pétrolier français Total prépare un projet pétrolier de grande envergure dans un parc naturel de la région des Grands Lacs en Afrique, chassant des milliers de personnes de leurs foyers. Les multiples atteintes aux droits humains qui ont déjà émaillé ce projet soulignent la nécessité d'un traité des Nations Unies obligeant les entreprises à répondre de leurs actes, tant à l'encontre de l'environnement que des droits humains.

Le projet colossal de Tilenga comprendra plus de 400 puits et un pipeline de 1 400 km traversant l'Ouganda et la Tanzanie. Il obligera plus de 100 000 personnes à quitter leurs foyers, dont 30 % de la population d'un seul district. La majorité des agriculteur?rice?s locaux?ales, chassé?e?s de leurs terres en Ouganda, n'ont toujours pas reçu de compensation. Des militant?e?s communautaires ont été attaqué?e?s et des agriculteur?rice?s qui ont témoigné dans une affaire judiciaire française ont reçu des menaces de mort. 

Dans une nouvelle analyse, nous montrons comment cette affaire souligne l'urgence pour les États de s'entendre sur un traité contraignant des Nations Unies sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales et les droits de l'Homme, en discussion à Genève cette semaine.

« La loi nationale française sur le devoir de vigilance de 2017 est mise à l'épreuve dans cette affaire. C'est la première loi au monde à obliger les entreprises domiciliées sur le territoire d'un État ou y ayant leur siège à prévenir les abus commis à l’encontre des droits humains et de l'environnement, où qu’elles opèrent dans le monde », a déclaré Gabriela Quijano, experte en matière d'entreprises et droits humains. 

Dans un nouveau rapport, publié par FIAN International et Les Amis de la Terre France, nous montrons comment cette affaire souligne l'urgence pour les États de s'entendre sur un traité contraignant des Nations Unies sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales et les droits de l'Homme, en discussion à Genève cette semaine.

Ce rapport est le troisième d'une série qui examine comment un traité des Nations Unies permettrait d'amener les sociétés transnationales à rendre des comptes. À l'instar de la catastrophe du barrage de Brumadinho au Brésil et du déplacement massif de populations après l'accaparement de terres par la société coréenne POSCO en Inde, le cas de Total montre qu'un ensemble solide de règles contraignantes est indispensable pour garantir la primauté des droits fondamentaux des peuples sur les intérêts économiques.

Juliette Renaud, responsable de campagne chez Les Amis de la Terre France, a déclaré que « la loi française sur le devoir de vigilance n'est pas parfaite, et qu'il existe encore des lacunes importantes dans la protection des personnes affectées par des entreprises peu scrupuleuses. »

« Tirer les leçons de cette affaire par l'adoption d'un ambitieux traité contraignant de l'ONU est une occasion unique afin de combler ces lacunes et de mettre enfin un terme à l'impunité des entreprises, » a ajouté Juliette Renaud.

Il est temps que faire rendre des comptes aux entreprises pour les crimes commis contre les droits humains et l’environnement

FIAN International soutient et exprime sa solidarité envers les centaines de mouvements sociaux et de groupes de la société civile à travers le monde qui réclament un traité contraignant suffisamment strict pour protéger les paysan?ne?s, les petit?e?s exploitant?e?s, les peuples autochtones et les communautés qui n'ont aucun recours à la justice lorsque leur vie, leur santé et leurs moyens de subsistance sont menacés. 

« Il existe trop de lacunes dans le droit international, qui permettent aux entreprises qui ont causé ou contribué à des impacts graves sur les droits humains de continuer à opérer en toute impunité. Après sept ans de discussions, les gouvernements doivent se tenir fermement du côté des communautés affectées et faire avancer les négociations, en tenant compte du besoin urgent de solutions à l'échelle mondiale », a déclaré Ana María Suárez Franco , Représentante permanente de FIAN International auprès de l'ONU.

Il n'existe actuellement aucun cadre juridique contraignant au niveau mondial pour réglementer les activités et les chaînes de valeur des sociétés minières transnationales, de l'agro-industrie et d'autres entreprises dont le bilan en matière de droits humains est désastreux. Cette situation est particulièrement problématique dans les pays du Sud riches en ressources naturelles, où les protections juridiques sont plus faibles et où les entreprises peuvent faire valoir qu'elles n'enfreignent aucune loi locale ni internationale lorsqu'elles chassent des communautés de leurs terres, polluent leurs habitats, voire causent des pertes de vies humaines.  

Les directives volontaires comme les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme et les législations nationales comme la loi française sur le devoir de vigilance des sociétés transnationales ne suffisent pas à protéger les communautés et l'environnement contre les entreprises dénuées de scrupules. Comme l'ont démontré plusieurs affaires particulièrement médiatisées, telles que le déplacement massif de communautés en Ouganda par le géant pétrolier français Total, la catastrophe du barrage de Brumadinho au Brésil et l'accaparement de terres par POSCO en Inde, un ensemble solide de règles contraignantes est nécessaire pour garantir que les droits humains des peuples priment sur les intérêts économiques.

« Un traité international relatif aux sociétés transnationales et autres entreprises est essentiel pour régir les économies mondialisées », a déclaré Ana María Suárez Franco . « Un terrain de jeu juridique équitable comblerait les lacunes en matière de protection, permettrait aux gens d'avoir un meilleur accès à la justice et rendrait les entreprises responsables de leurs impacts sur les droits humains et l'environnement. »

Après le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires qui s'est tenu à Rome le mois dernier et qui n'a pas réussi à contenir le pouvoir croissant de l'agrobusiness, il est d'autant plus important de saisir cette opportunité lors du sommet des Nations Unies à Genève du 25 au 29 octobre.

Les intérêts des entreprises, ou les États qui entendent les défendre aux dépens des populations, ne doivent en aucun cas entraver les activités du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'Homme (OEIGWG), comme cela s'est produit dans le passé avec des initiatives similaires.

Ce serait une occasion gâchée, tant pour les communautés qui luttent contre les violations de droits humains dans le monde que pour le système des Nations Unies.

FIAN International soutien le rejet de l’offre d’indemnisation par les expulsés dans l’affaire NKG

8 octobre 2019

Préalablement à la deuxième réunion du processus de médiation, le Procureur général adjoint a offert 1 907 285 000 shillings ougandais (UGX), soit environ 467 600 euros, à titre de compensation financière aux personnes expulsées dans l’affaire NKG. En revanche, le groupe NKG n’a présenté aucune offre à ce sujet.

Tout en se félicitant que le gouvernement ougandais reconnaisse son obligation d’indemniser les personnes expulsées, FIAN déplore que ce montant ne soit pas suffisant, car il ne couvre que la moitié de la somme réclamée par les personnes expulsées.

« La compensation actuellement suggérée par le Procureur général adjoint est un affront pour les personnes expulsées, qui ont tout perdu au cours des 18 dernières années suite à l’expulsion » observe Valentin Hategekimana, coordinateur Afrique de FIAN International. «  Le montant offert de 467 600 € signifie que chacun des demandeurs recevrait 116 € pour la destruction de tous ses biens et de 18 années de souffrances ».

À l’origine, en août 2002, les personnes expulsées avaient entamé des poursuites à l’encontre du gouvernement ougandais et NKG en réclamant un montant calculé à 3 814 570 050 UGX. Dans un premier jugement en 2013, la Haute Cour de Nakawa a condamné les avocats de la Kaweri Coffee Plantation Ltd. à payer 37 085 574 606,3 UGX aux plaignants, soit environ 9 millions d’euros. Cependant, ce jugement a été annulé.
Depuis l’expulsion de 2001, environ 4 000 habitants de quatre villages du district de Mubende souffrent de faim, de malnutrition et de pauvreté, tandis que Kaweri Coffee Plantation Ltd. produit du café sur leurs terres. Les personnes expulsées n’ont reçu aucune indemnisation.

FIAN International condamne l’offre d’indemnisation du procureur général adjoint, et exigue du gouvernement ougandais et du président-directeur général du Groupe de café Neumann, Christian Neumann, qu’ils se conforment aux exigences des personnes expulsées réclamant une compensation monétaire adéquate des terres où se réinstaller.

Le processus de négociation se poursuivra le 10 octobre 2019, au cours duquel le dédommagement proposé par les personnes expulsées sera porté à l’attention du médiateur de la cour. 

Vous pouvez lire la lettre du Procureur général ici
Pour plus d’informations, veuillez contacter : 
Valentin Hategekimana
E-Mail: hategekimana(at)fian.org

15 ans et toujours aucune réparation

Il y a tout juste 15 ans aujourd’hui, la Force de défense du peuple ougandais prenait d’assaut les villages de  Kitemba, Luwunga, Kijunga et Kiryamakobe dans le district de Mubende, expulsant par la force 4000 personnes de leurs terres ancestrales et laissant dans son sillage trois morts, des dizaines de blessés, des maisons détruites et des cultures dévastées. Les terres furent à la plantation de café Kaweri (Kaweri Coffee Plantation Ltd.), une filiale du groupe allemand Neumann Kaffee Gruppe (NKG) dont le siège est à Hambourg. Après plus de dix ans de mobilisation et de bataille juridique, les victimes de l’expulsion n’ont toujours pas obtenu justice et continuent de souffrir des conséquences de cet acte brutal. 

Les conditions de vie lamentables dans lesquelles la communauté s’est retrouvée après l’expulsion (aucun abri ni accès adéquat à l’eau potable, ni soins de santé, pour ne mentionner que cela) ont provoqué une hausse de la mortalité et des maladies. Les taux de pauvreté et de malnutrition, laquelle affecte particulièrement les enfants, les femmes enceintes, les mères allaitantes et les personnes âgées, sont montés en flèche. L’éducation en a aussi fortement pâti, surtout chez les filles et les jeunes femmes. Les coûts de l’éducation primaire et secondaire sont devenus un fardeau insoutenable pour les familles, puisque l’expulsion les ayant privées de tout ce qu’elles avaient. Depuis le 18 août 2001, lorsque la destruction des villages qui a duré quatre jours a commencé, l’abandon scolaire s’est généralisé. 
La cohésion sociale au sein de la communauté s’est fortement érodée, car beaucoup de membres ont dû migrer suite à l’expulsion. Pris entre le marteau et l’enclume, certains des expulsés n’ont eu d’alternative que de travailler dans la plantation Kaweri pour des salaires de misère, leur permettant à peine de survivre. 

Depuis ce jour noir, les expulsés se sont organisés sous le nom de Wake Up and Fight for Your Rights Madudu Group . En 2002, ils ont porté l’affaire devant la Haute Cour de Nakawa and poursuivi le gouvernement ougandais et la plantation Kaweri en justice pour, respectivement, violations et abus de droits humains. Bien que la Haute Cour se soit prononcée en 2013 en faveur des communautés affectées, 396 familles attendent toujours réparation, après 14 ans de procédure juridique. La Cour d’Appel a renvoyé l’affaire à la Haute Cour pour qu’un nouveau procès s’ouvre mais rien n’est sûr à cet égard. 

FIAN International appelle le gouvernement ougandais à respecter les lois ougandaises, dédommager les victimes de l’expulsion et leur rendre leurs droits fonciers, tel que l’a recommandé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies  l’année dernière. L’Etat ougandais a le devoir de respecter ses obligations relatives aux droits humains, dont celles relatives à la réglementation des activités des entreprises transnationales et autres entreprises. Cela s’applique également à l’Etat allemand, pays hôte de la maison mère, NKG. A cet égard, les deux pays devraient également soutenir le processus d’élaboration du Traité des Nations Unies relatif aux droits humains sur les sociétés transnationales et autres entreprises, en cours depuis juillet 2015.

Pour plus d’information, vous pouvez contacter

G.Falk[at]fian.de  ou

hategekimana[at]fian.org  
Pour des questions média, vous pouvez contacter

delrey[at]fian.org  

 

 

NOTES AUX REDACTEURS

 

 

  • FIAN International soutient les communautés affectées de Mubende depuis 2002. http://www.fian.org/fr/notre-travail/cas/ouganda-mubende/  
  • Les cas d’abus de droits humains par des entreprises transnationales s’étant démultipliés ces dernières décennies, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a adopté la Résolution 26/9 en juin 2014 constituant un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée, chargé de développer un Traité sur les entreprises transnationales et autres entreprises relatif aux droits humains.
  • FIAN International est un membre actif de l’Alliance pour le Traité, qui travaille sur l’élaboration d’un instrument juridique contraignant depuis 2013, date à laquelle elle a publié une première série de revendications, dont l’adoption d’une résolution du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies à la création d’un groupe de travail chargé de développer le traité. 

 

 

 

 

Les tribunaux ougandais ordonnent le dédommagement des personnes expulsées de la plantation de café Kaweri

Heidelberg, 11.04.2013. La Cour Suprême de Kampala en Ouganda a ordonné qu’une indemnisation à hauteur d’environ 11 millions d’euros soit versée aux 2.041 personnes expulsées des terres aujourd’hui occupées par la plantation de café Kaweri, détenue par le groupe allemand Neumann.

Dans le jugement rendu le 28 mars, la compensation n’est pas exigée directement aux défendeurs, mais plutôt aux avocats des investisseurs allemands.[1] Cependant, dans ses conclusions, le juge critique sévèrement les investisseurs allemands pour avoir abusé de leur devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains.    

En août 2001, le gouvernement ougandais a brutalement expulsé plus de 2000 personnes de leurs terres dans le district de Mubende dans le centre du pays. Le terrain a été donné à la société de café allemande Neumann Kaffee Gruppe (NKG) via sa filiale locale, qui a utilisé ces terres pour mettre en place la première plantation de café à large échelle d’Ouganda. L’action en justice engagée par les personnes expulsées pour récupérer leurs terres et leurs bien a été continuellement entravée et retardée. Un documentaire du cinéaste allemand Michael Enger illustre la lutte durant des décennies des personnes expulsées de Mubende.  

Le jugement condamne clairement les actes irresponsables de la plantation de café Kaweri : « Les investisseurs allemands avaient le devoir de veiller à ce que nos peuples autochtones ne soient pas exploités. Ils auraient dû respecter les droits fondamentaux et les valeurs des personnes, et en tant qu’hommes d’affaires et investisseurs respectables, ils n’auraient  pas dû s’installer sur ces terres sans s’assurer au préalable que les propriétaires soient correctement indemnisés, relogés et qu’un avis approprié leur soit donné », a déclaré la Cour.    

En outre, le juge déclare clairement que : – les personnes expulsées étaient les occupants légitimes de la terre avant que la location de terre soit conclue par NKG ; – les gestionnaires de Kaweri savaient parfaitement que les locataires allaient devoir être expulsés et l’ont effectivement été, et que – les personnes expulsées n’ont pas été indemnisées.    

Le jugement fait actuellement l’objet d’intenses débats dans les médias ougandais car le jugement a été principalement prononcé à l’encontre d’avocats qui n’étaient pas parties à l’affaire. En outre, il est contestable que le juge ait acquitté le gouvernement ougandais de toute responsabilité concernant l’expulsion menée par l’armée ougandaise, et ce bien que l’officier en charge ait déclaré que le Commissaire Résident du district, qui est le représentant régional du gouvernement, avait lui-même ordonné l’expulsion.    

« Après un procès qui a duré onze ans, ce jugement est une étape importante pour les personnes expulsées de la plantation Kaweri », a déclaré Gertrud Falk de la section allemande de FIAN International qui a soutenu les personnes expulsées dans leur lutte pacifique pour la justice depuis 2001 au travers de différentes actions.   Les défendeurs ont déclaré qu’elles feraient appel de la décision.[2] FIAN continuera à soutenir les personnes expulsées.    

Plus d’informations  

Le jugement complet  

[1] Une version antérieure de cet article constatait de façon incorrecte que l’Uganda Investment Authority a également été condamné à payer des dommages.

[2]  Une version antérieure de cet article constatait de façon incorrecte que toutes les parties avaient l’intention de faire appel de la sentence.  

Mubende – Le café de l’injustice

Le film  » Mubende – Le café de l’injustice « , sorti le 19 aout, donne la parole aux victimes d’une expulsion sanglante au profit d’une entreprise de café allemande.

Le 19 août 2001, l’armée ougandaise a violemment expulsé de leurs terres la population de plusieurs villages près de Mubende afin de faire place à une plantation de café.  Le gouvernement ougandais avait loué ces terres à Kaweri Coffee Plantation Ldt. détenue à 100% par la société allemande Neuman Kaffee Gruppe.

Au lendemain de l’expulsion, la jeune Ingabire Betty est devenue orpheline. Kasoma Aminadabu, paysan de la localité, a perdu un de ses enfants. Les autres habitants des villages concernés ont vu leurs maisons, les plantations de café et de maïs et tous leurs biens brûlés par les soldats. Plus de 2000  personnes ont été forcées de laisser derrière eux toutes leurs modestes possessions.

 » Jusqu’à aujourd’hui, 11 ans après l’expulsion, aucune des victimes n’a reçu de compensation, ni pour la perte de leurs terres, ni pour l’état d’extrême urgence qu’ils ont subi après l’expulsion « , témoigne Gertrud Falk, de FIAN Allemagne.

Depuis 2002, FIAN soutient la lutte pacifique des expulsés pour que justice soit faite et les assiste dans leurs démarches judiciaires contre le gouvernement ougandais et Kaweri Coffee Plantation Ldt. Cependant, à de trop nombreuses reprises, la procédure judiciaire a été retardée, parfois à cause de manœuvres douteuses.

Il est également très difficile de poursuivre la société mère allemande Neumann Kaffee Gruppe:  » Il est encore aujourd’hui quasiment impossible, dans le système juridique allemand, de poursuivre une société allemande pour des violations des droits de l’Homme commises hors du pays. Le système légal allemand est à la traîne et ignore certaines réalités économiques et les violations de droits humains qui y sont liées  » dénonce Gertrud Falk.  » C’est seulement en adoptant des lois appropriées qu’il sera possible de forcer les multinationales telles que Neumann à reconnaître leurs responsabilités et à y remédier dans des cas comme Mubende. « 

 » Les expulsés doivent être compensés et les terres illégalement prises doivent leur être restituées ! Il est scandaleux que plus de 10 ans après l’expulsion, ni Kaweri et Neumann, ni le gouvernement ougandais, n’ait accordé la moindre compensation aux expulsés  » conclut Gertrud Falk.

FIAN continuera ses actions annuelles afin de rendre publique cette injustice et ce, jusqu’à ce que les expulsés soient dédommagés et leurs droits respectés.

Vous trouvez le film ici : http://www.youtube.com/watch?v=xO_FedFm0yM&feature=plcp