Villes à charte et droits fonciers

L'adoption des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (VGGT) en 2012, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) adoptée en 2007, et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) de 2018 sont autant de jalons importants dans la reconnaissance internationale de ce droit essentiel.

Néanmoins, l'accaparement des terres, la marchandisation et l'accumulation des terres par la dépossession font partie intégrante des structures mondiales qui creusent et perpétuent les inégalités et la faim dans le monde.

L'apparition de divers types de zones économiques spéciales (ZES) s'inscrit dans cette tendance depuis les années 1970. Les ZES s'accompagnent généralement de la promesse d'un développement humain et d'une réduction de la pauvreté. Dans la pratique, elles deviennent souvent des épicentres de conflits fonciers, liés à la spéculation foncière croissante, au déplacement des communautés et à la violation des droits forestiers.

Le rapport de FIAN intitulé « Qu’est-ce que le droit au sol à l’ère des juridictions privées? » donne un aperçu du droit humain à la terre dans le contexte de la croissance des ZES qui visent à s'affranchir des États hôtes, voire à créer des juridictions privées libres de toute réglementation étatique.

Il montre comment certains des principaux promoteurs des juridictions privées abordent cette question, en examinant de plus près les zones de développement et d'emploi du Honduras. Il met aussi en évidence les principales contradictions de ces modèles dans le cadre des conceptions contemporaines du droit foncier international.

Justice pour Berta Cáceres, protection pour la défense des droits humains

Le 2 mars 2016, Berta Cáceres, leader autochtone Lenca et coordinatrice du Conseil Civique d’Organisations Populaires et Indigènes du Honduras (COPINH), a été assassinée dans sa résidence à La Esparanza, Honduras. Selon l’information disponible pour l’instant, deux ans après, l’enquête a à peine avancée. Les audiences judiciaires publiques des huit suspects détenus en tant qu’auteurs matériels du crime ont été repoussées à de multiples reprises. Le rapport diffusé en novembre 2017 par le Groupe Conseiller International de Personnes Expertes (Grupo Asesor Internacional de Personas Expertas – GAIPE) a révélé un manque de diligence dans les enquêtes, incluant l’absence de poursuites des auteurs intellectuels potentiels de l’assassinat.  

Berta Cáceres a vécu en défendant les droits territoriaux et culturels des peuples autochtones, des femmes, des peuples garífunas et des paysans. Elle était reconnue nationalement et internationalement comme défenseure des droits humains et a reçu, en 2015, le Prix Goldman, pour sa lutte en défense du territoire, des biens naturels et de la Terre Mère. Au cours des années précédant son assassinat, elle fut victime de persécutions, d’intimidations, de stigmatisation et de criminalisation, autant par des acteurs étatiques que non-étatiques, en raison de son activisme, dans un contexte d’opposition aux exploitations hydroélectriques et extractives imposées sur le territoire de peuples autochtones sans leur consentement libre, préalable et informé. Depuis 2009, Berta bénéficiait de mesures de protection octroyées par la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH). Cependant, ces mesures n’ont pas suffi à la protéger des nombreuses attaques contre sa personne, et finalement, d’un assassinat.  

Le cas de Berta reflète une réalité à laquelle sont confrontées les personnes défenseures en Amérique latine, particulièrement celles agissant en faveur de l’environnement et du territoire. Un autre cas emblématique existe au Mexique, où le 15 janvier 2017 a été assassiné Isidro Baldernegro, un activiste écologique autochtone reconnu, qui luttait contre l’exploitation forestière illégale dans la forêt ancestrale de la Sierra Madre Occidental en territoire tarahumara/raramuri, dans l’Etat de Chihuahua. Isidro Baldenegro avait gagné le Prix environnemental Goldman en 2005, et avait été identifié comme prisonnier d’opinion par Amnesty International. 

Depuis l’assassinat de Berta, le nombre d’assassinats de personnes défenseures de droits humains sous mesure de protection de la CIDH a augmenté de manière préoccupante dans la région. Cette situation, s’ajoutant aux avancées minimes ou inexistantes dans l’élucidation des cas d’assassinats de militant.e.s, constitue une grave atteinte aux personnes défenseures, dans la mesure où se généralise l’impunité.

Deux ans après ce crime, le Réseau EU-LAT et CIDSE exhortent l’UE et ses Etats Membres à exiger à l’Etat du Honduras qu’il adopte toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les acteurs matériels et intellectuels de l’assassinat de Berta Cáceres soient dûment poursuivis, en vertu de l’engagement européen pris en matière de protection de la défense des droits humains.

*FIAN Internationale est un membre actif du Réseau EU-LAT

La CIHD rencontre ses homologues européens à un moment crucial

Le Secrétaire exécutif de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIHD) – Organisation des États Américains (OEA), Paulo Abrão, s’apprête à traverser l’Atlantique pour rencontrer ses homologues Européens cette semaine.

Une série de réunions de haut niveau se tiendra avec les responsables de l’UE et des États membres, ainsi qu’avec des organisations de la société civile (OSC), qui ont soutenu à la fois politiquement et financièrement le système interaméricain, en particulier lors de la crise financière de l’an dernier.

Abrão profitera également de l’occasion pour présenter le Plan stratégique récemment approuvé, auquel les OSC ont contribué, y compris la section de FIAN International en Équateur, au nom de l’ensemble de FIAN.

Le besoin d’un engagement ferme

Dans un contexte où les États et le secteur privé (en particulier les multinationales) poussent de plus en plus à remplacer les normes et instruments internationaux en matière de droits humains par des directives volontaires, il devient essentiel de véritablement renforcer le rôle politique et juridique des systèmes régionaux de défense des droits humains. Ceci est particulièrement impératif pour les États membres de l’OEA qui ont progressivement retiré leur soutien financier et politique à la CIDH, menant cette dernière à la crise la plus grave de son histoire.

Le manque d’engagement politique des États de l’OEA se reflète également sur certains de leurs candidats sponsorisés, dont les compétences sont incertaines, pour les deux sièges que la session ordinaire de l’Assemblée générale de l’OEA choisira en juin. La 163ème Période des Sessions de la CIDH en juillet verra également la nomination du premier rapporteur sur les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, ce qui pourrait augurer une évolution positive pour les communautés à travers les Amériques.

Guarani et Kaiowá demandent justice à la CIDH

Le système interaméricain est crucial pour lutter contre les injustices et les inégalités structurelles à l’encontre de la plupart des groupes marginalisés, en particulier les communautés autochtones. C'est le cas des communautés indigènes Guarani et Kaiowá au Brésil, qui ont été confrontées à des expulsions et à la violence tout au long de leur lutte pour le droit à leur territoire ancestral ainsi qu’à leur droit à l’alimentation et à la nutrition. Leur situation s’est aggravée depuis le coup d’État parlementaire.

En décembre dernier, la grande assemblée des Guarani et Kaiowá, Aty Guasu, avait déposé une requête auprès de la CIDH contre l’État du Brésil avec le soutien de CIMI, FIAN International et sa section brésilienne, ainsi que Justicia Global. Non seulement cette requête contribuera à l’élaboration de normes sur le droit à l'alimentation et à la nutrition en relation avec le droit au territoire ancestral, mais aussi au travail du rapporteur de la CIDH sur les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux.

FIAN International espère que les États membres de l’OEA donneront leur priorité au soutien politique et financier à la CIDH. Ceci devrait de plus se traduire dans le dialogue et la coopération entre l’UE et ses États membres avec l’OEA, les systèmes régionaux étant un élément crucial pour l’élaboration et la mise en œuvre des Orientations de l’Union européenne relatives au soutien des défenseurs des droits de l’homme ainsi que les plans d’actions de l’UE en matière de droits humains.

L’organisation participera à la visite de la CIDH, en collaboration avec le réseau européen d’organisations de la société civile CIFCA, afin de continuer à soutenir la consolidation des systèmes régionaux de droits humains.

Pour plus d’informations, veuillez contactez castaneda-flores[at]fian.org

Pour des questions relatives aux médias, veuillez contacter relrey[at]fian.org

Les politiques publiques du Honduras enfreignent les droits économiques, culturels et sociaux

A l’aube de la 58ème session du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Comité DESC) débutant aujourd’hui, la plateforme EPU (Plataforma EPU en espagnol) a présenté un rapport alternatif en marge du rapport de l’État du Honduras qui doit être examiné par le Comité, dans le cadre de l’Examen Périodique Universel. 

Il en ressort que les politiques économiques et les modèles de développement de l’industrie extractive contreviennent aux droits humains, y compris au droit à l’alimentation et à la nutrition, criminalisent fortement les défenseurs de droits humains et multiplient les inégalités et les violences envers les femmes et les filles. Tout cela dans un contexte de pauvreté extrême et de répartition inégale des richesses, menant une grande partie de la population à la malnutrition. 

Le rapport alternatif dévoile que les projets sont attribués sans le consentement préalable, libre et informé des communautés affectées, y compris sur les territoires indigènes et ancestraux, en violation de la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail. Toujours selon le rapport, de nombreuses concessions ont été accordées à des projets hydroélectriques et miniers dans des zones sacrées ou vitales à la subsistance pour les communautés locales. 

Les communautés paysannes, de plus en plus confrontées à des expulsions forcées, subissent un sort semblable. Le conflit agraire de Bajo Aguán illustre bien la situation : cela fait plus de 10 ans que plusieurs communautés paysannes luttent pour accéder à et récupérer leurs terres, acquises illégalement par des propriétaires fonciers. Un tel modèle de développement s’oppose à la jouissance des droits humains et cette situation démontre aussi le degré de violence, d’intimidation et de criminalisation auxquels les défenseurs de droits humains s’exposent. 

Les défenseurs des droits relatifs à l’environnement, à la terre et à la nutrition sont régulièrement criminalisés et harcelés. En atteste le meurtre de Berta Cáceres, une dirigeante indigène Lenca reconnue, défenseuse des droits humains et coordinatrice générale du COPINH (Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras), le 2 mars dernier. Et il ne s’agit malheureusement pas d’un cas isolé – le Honduras est l’un des pays les plus dangereux pour les défenseurs de droits humains. « Cela démontre que les mécanismes disponibles à leur protection au Honduras sont insuffisants. La très grande majorité des violations à leur encontre reste impunie », constate le rapport.

Les inégalités et la violence envers les femmes est systématique et structurelle, les empêchant d’exercer leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et de pouvoir mener une vie digne. « Le climat de peur dans les sphères à la fois publique et privée et l’impunité des violations de droits humains sont la règle, non l’exception », confirme le rapport. 

Cette situation perdure dans un contexte de pauvreté très largement répandue et de répartition inégale des richesses, avec des conséquences sérieuses sur le droit à l’alimentation et à la nutrition des Honduriens. On estime à 12,1% la part de la population sous-alimentée et à 1,4%, 5%, 10% et 31% les parts des enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition sévère, d’obésité, de malnutrition générale et de retard de croissance. La situation est particulièrement grave chez les groupes marginalisés tels que les communautés indigènes, où 95% des moins de 14 ans souffrent de malnutrition. 

Vous pouvez télécharger le rapport ici (en espagnol). 

En coopération avec d’autres organisations, Peace Brigades International (Les Brigades de Paix Internationales), International Platform against Impunity et FIAN International organisent une table ronde sur l’application des mesures et des mécanismes pour la protection des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels au Honduras. L’événement aura lieu à Genève le 6 juin à 18h30. Vous trouverez plus d’informations ici

FIAN International organisera également un événement intitulé Who is accountable for hunger? (Qui est responsable pour la faim?) le 8 juin à 18h00, qui se penchera sur la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition au Burkina Faso, au Honduras et en Suède. Vous trouverez plus d’informations ici

NOTES AUX REDACTEURS:

  • Le rapport a été préparé dans le cadre de la Plateforme EPU qui compte 54 mouvements sociaux et organisations de développement et de droits humains au Honduras. FIAN Honduras, l’EMIH (Equipo de Monitoreo Independiente de Honduras), le Foro de Mujeres por la Vida, l’Asociación LGTB Arcoiris de Honduras, et le Movimiento Amplio por la Dignidad y la Justicia (MADJ) y ont contribué.
  • La Plateforme EPU a vu le jour en 2014 avec l’objectif de coordonner le travail de plaidoyer d’organisations de la société civile du Honduras pour le 2ème Examen Périodique Universel de l’État du Honduras devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies.

     

Un milliard de personnes nécessitent une Commission interaméricaine des droits de l’homme efficace

Lundi dernier, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a surpris en dévoilant la nouvelle de sa crise financière. Elle a annoncé que 40% de son personnel ne serait pas renouvelé après le mois de juillet et que ses 159ème et 160ème sessions seraient suspendues, à moins qu’elle ne reçoive des fonds ou la promesse de dons avant le 15 juin prochain. De tels changements auraient un impact majeur sur la capacité de la Commission à remplir son mandat et ses fonctions de bases, menaçant ainsi la protection des droits humains du milliard de personnes vivant aux Amériques. 

En réaction à cette nouvelle, plusieurs ONG de par le monde ont publié une lettre ouverte appelant tous les Etats membres de l’Organisation des Etats américains (OEA) à prendre les mesures qui s’imposent pour garantir le fonctionnement immédiat et approprié de la Commission. 

FIAN rappelle que le système interaméricain des droits humains est le résultat de luttes populaires aux Amériques, ayant volontairement délégué la souveraineté aux Etats pour créer un système garantissant une protection contre les abus et les injustices. Les Etats membres de l’OEA ont dès lors l’obligation de garantir un fonds financier durable à la Commission afin qu’elle reste pleinement opérationnelle en tant que dernier recours contre les violations de droits fondamentaux sur le continent et en tant que référence internationale ayant déjà déployé des efforts considérables pour protéger des milliers de personnes et communautés affectées.  

Vous pouvez consulter la lettre ouverte ici (en espagnol). 

La CIDH doit soutenir l’investigation

Le Gouvernement du Honduras n’a pour l’heure donné aucune réponse favorable aux demandes répétées d’une investigation professionnelle et indépendante par des groupes de la société civile hondurienne et internationale. En accord avec la famille de Berta Cáceres et le Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH), les organisations et mouvements sociaux désignent la CIDH comme « l’instance adéquate capable de fournir son soutien international à l’investigation ». 

Suite aux déclarations du Secrétaire général de l’OEA le 8 avril dernier, la société civile adresse une lettre ouverte appelant l’OEA à réitérer son soutien à la participation de la Commission interaméricaine à l’investigation. A cet égard, le Secrétaire générale de l’OEA pourrait « user de ses bons offices auprès du Gouvernement hondurien pour que ce dernier entende les demandes de la famille de Berta et du COPINH (…) et pour que soit établi, au plus vite, un groupe d’experts indépendant et interdisciplinaire ». 

Vous pouvez consulter la lettre (en espagnol). 

Continuons à lutter contre l’effet «boule de neige» des entreprises

Qualifiée d’« emprise » (« corporate capture » en anglais), l’influence qu’exercent les sociétés transnationales, et autres entreprises sur l’élaboration des politiques publiques et leur mise en œuvre, a représenté un enjeu important pour la société civile au cours des dernières années. Tel l’effet dit « boule de neige », l’influence des entreprises s’est étendue de manière exponentielle, insidieuse et efficace en un rien de temps. Comme le rappelle le « Right to Food Journal », jusqu’à récemment, ses répercussions ont été presque imperceptibles pour le grand public, et les grandes entreprises en ont profité pour infiltrer l’arène politique au niveau international, régional, national et local, y compris aux Nations Unis. Tous ces facteurs ont façonné un monde dans lequel les abus et les violations des droits humains liés aux activités des entreprises sont devenus de plus en plus inquiétants.

À ce propos, Rolf Künnemann, Directeur des droits humains de FIAN International, déclare : « La Journée des droits de l’homme nous donne l’opportunité de rappeler où se situent les obstacles à la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition. Les sociétés transnationales commettent des abus en toute impunité, et en les laissant agir à leur guise, les États violent les droits humains. Malheureusement, certains États sont de connivence avec l’emprise qu’exercent actuellement les entreprises sur les espaces d’action politique internationaux ». Rolf Künnemann attire l’attention sur le fait que les États ne poursuivent pas conjointement les sociétés transnationales en justice au niveau international, car il n’existe pas de droit pénal des entreprises et qu’il n’y a aucune coopération entre les États qui permette de tenir les transnationales responsables de leurs actes. « C’est pour cela qu’il est nécessaire que nous continuions à lutter contre cette tendance en donnant une visibilité à l’opinion et à l’expérience des groupes de la société civile et des mouvements sociaux, tout en suivant l’évolution des débats qui se déroulent au sein du Groupe de Travail Intergouvernemental de l’ONU pour l’élaboration d’un traité sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits humains », a?t?il ajouté.

Du point de vue politique et juridique, le « Right to Food Journal » illustre certaines des répercussions qu’ont les activités des entreprises, comme la prochaine mise en œuvre de ce qu’il est convenu d’appeler les « Charter Cities » ; y figurent également les débats menés actuellement qui visent à mettre un terme à cet engrenage des entreprises, notamment les discussions se tenant au sein de ce qu’on appelle la « Convergence mondiale des luttes pour la terre et l’eau ». La publication aborde aussi les évolutions importantes qui ont jalonné 2015, notamment le statut des droits humains au Népal au lendemain des séismes, ainsi que le second Examen périodique universel de ce pays.

Veuillez consulter le « Right to Food Journal 2015 »

Pour toute information complémentaire, les représentants des médias peuvent s’adresser à delrey@fian.org

Encore deux paysans assassinés au Bajo Aguán

Santos Jacobo Cartagena (42 ans), membre de la coopérative paysanne San Esteban du Mouvement Uni des Paysans de l’Aguan (MUCA), a été tué par balles le 16 février à environ une heure de l’après-midi par des individus en voiture alors qu’il attendait tranquillement le bus pour Tocoa à l’intersection des routes reliant Sinaloa à la communauté de La Confianza où il habitait.  

Le même jour à 18h30, José Trejo Cabrera (58 ans) a été abattu à Tocoa par un motard (qui utilisait une arme avec silencieux, selon des témoignages encore non confirmés) dans le quartier Manga Seca, proche de San Isidro, juste à côté du bureau de la coopérative du même nom. Trejo Cabrera était membre de cette coopérative affiliée au Mouvement Revendicateur Authentique de l’Aguán (MARCA).  

Son frère, l’avocat Antonio Trejo Cabrera, avait été assassiné en septembre 2012, quelques mois après avoir obtenu que les tribunaux de justice reconnaissent comme véritables propriétaires des biens des coopératives San Isidro, El Despertar et la Trinidad, les paysans qui avaient reçu des terres pendant le processus de colonisation du Bajo Aguán initié pendant les années 70. Auparavant, ces biens étaient  entre les mains des propriétaires terriens Miguel Facussé et René Morales, suite à des négociations retorses.  

L’avocat Trejo Cabrera avait acquis une grande notoriété grâce à son travail remarquable pour la défense des paysans. Aussi l’ambassadrice des Etats-Unis au Honduras, Lisa Kubiske, condamna-t-elle ce crime contre “un avocat très respecté qui a travaillé pour la résolution des conflits fonciers dans le Bajo Aguán, en recourant toujours aux outils juridiques et en accord avec l’Etat de droit” [1].  

La diplomate s’est faite l’écho de “la récente déclaration du Département d’État des Etats-Unis, où nous avons exprimé notre préoccupation concernant les niveaux élevés d’impunité au Honduras et où nous avons demandé que soit réalisée rapidement une investigation exhaustive de ce crime.” [2]   L’organisation Human Rights Watch a également demandé qu’“une enquête opportune, exhaustive et impartiale” soit menée  “sans délai afin de traduire en justice les responsables de l’homicide de Trejo.”   Bien que ces demandes se soient ajoutées à celles formulées par de nombreuses organisations du Honduras et d’autres parties du monde, jusqu’à présent les organismes étatiques en charge de l’enquête n’ont rapporté aucun résultat.   Chez les Honduriens grandit le sentiment d’être sans défense dans un pays où les morts dues à la violence ne cessent d’augmenter. En 2011, les observatoires nationaux et internationaux estimaient que leur nombre était de 86.5 pour 100 000 habitants, un nombre largement supérieur à la moyenne mondiale de 8,8 établie par l’OMS en l’an 2000. Cela fait du Honduras  le pays le plus violent au monde. 

Et la région du Bajo Aguan est l’une des régions les plus violentes. Selon les registres des organisations de droits de l’Homme, des dizaines de personnes ont été victimes de morts violentes durant les trois dernières années. Il faut aussi mentionner les séquestrations, les tortures et les viols.   Malgré un contexte défavorable pour réduire de tels niveaux de violence, nous persistons dans la recherche de la solidarité des institutions et organisations dédiées à la défense des droits humains afin de faire cause commune dans cette lutte contre la criminalité et l’impunité dont souffre le peuple hondurien.  

[1] http://www.elheraldo.hn/Secciones-Principales/Sucesos/EE-UU-condena-crimen-de-abogado-Trejo

[2] Ibid

Honduras: Violence extrême contre les communautés paysannes au Bajo Aguán

La situation de violence et de répression à l’encontre des communautés de la vallée de Bajo Aguán est alarmante : entre janvier 2010 et début octobre 2011, 40 personnes liées aux organisations paysannes de la région ont été assassinées. Depuis plusieurs années, environ 3500 familles paysannes en conflit avec les principaux producteurs d’huile de palme de la région ont revendiqué leur droit à l’alimentation pour l’accès aux terres agricoles. Des organisations nationales et internationales de défense des droits humains ont conclu que les communautés paysannes dans la région sont sans défense et sans protection face aux actions et manquements des autorités. Les témoignages des victimes, des familles et des témoins indiquent que des membres de la sécurité publique et privée sont responsables de décès, tortures, menaces et harcèlements des communautés paysannes.

Ce cas exige votre ACTION URGENTE en écrivant au Fiscal Especial de Derechos Humanos du Honduras, Avocate Sandra Ponce, pour demander une enquête sur les assassinats, la fin de la répression et la résolution effective du conflit agraire conformément aux obligations de l’Etat en matière de droit à l’alimentation. Veuillez envoyer une copie au Secrétariat international de FIAN qui l’enverra à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme, aux Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, aux institutions de l’Union européenne et à d’autres instances intergouvernementales.