Les accaparements de terres illustrent les inégalités de richesse croissantes

Des investisseurs internationaux et des sociétés richissimes achètent de vastes étendues de terres dans les pays du Sud, alimentant ainsi les inégalités croissantes, dans le cadre d’une tendance mondiale au transfert de richesses au détriment des plus pauvres et des travailleur∙euse∙s.

Le rapport de FIAN International et Focus on the Global South, Les seigneurs de la terre : propriétaires fonciers transnationaux, inégalités et plaidoyer pour la redistribution, braque les projecteurs sur les dix plus grands propriétaires fonciers transnationaux du monde, qui contrôlent 404 457 km², soit une superficie équivalente à celle du Japon.

 

Ce phénomène s’inscrit dans le cadre d’une ruée mondiale sur les terres. Depuis 2000, les entreprises et les investisseurs financiers ont acquis environ 65 millions d’hectares de terres, soit deux fois la superficie de l’Allemagne. Aujourd’hui, 70 % des terres agricoles mondiales sont contrôlées par les 1 % d’exploitations industrielles géantes les plus importantes.

Déplacements forces

Elle a des conséquences majeures sur la sécurité alimentaire, menaçant les moyens de subsistance de 2,5 milliards de petits exploitants agricoles et de 1,4 milliard de personnes parmi les plus pauvres de la planète, dont la plupart dépendent de l’agriculture pour survivre. Elle est également à l’origine de violences, d’expulsions forcées, de destruction de l’environnement et contribue au changement climatique. Pratiquement tous les grands propriétaires fonciers mondiaux ont été impliqués dans des rapports faisant état de déplacements forcés, de destruction de l’environnement et de violences à l’encontre des communautés.

L’un des principaux acteurs est le fonds de pension américain TIAA, qui a acquis 61 000 hectares dans la région brésilienne du Cerrado, l’une des zones les plus riches en biodiversité au monde. Dans le Cerrado, près de la moitié des terres ont été converties en plantations d’arbres, en grandes monocultures agro-industrielles et en pâturages pour l’élevage bovin, dans un contexte d’accaparement violent de terres, de déforestation et de destruction de l’environnement qui montre déjà des signes d’impact sur le climat.

La TIAA a presque quadruplé ses avoirs fonciers mondiaux entre 2012 et 2023, passant de 328 200 hectares à 1,2 million d’hectares.

Inégalités

La concentration des terres affecte le monde entier. Le fait de permettre que de vastes étendues de terres situées dans des États différents soient contrôlées par des entreprises étrangères sape la souveraineté des États et l’autodétermination des peuples.

La monoculture à l’échelle industrielle, souvent pratiquée sur ces terres, est l’un des principaux facteurs du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la destruction des écosystèmes, empêchant des transitions justes vers des systèmes alimentaires et des modèles économiques plus équitables et durables.

Cette évolution résulte d’une tendance mondiale à l’accroissement des inégalités et à la concentration des richesses. Depuis le milieu des années 1990, les 1 % les plus riches de la population mondiale ont accaparé 38 % de toutes les richesses supplémentaires accumulées, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en ont bénéficié que de 2 %.  On estime que 3,6 milliards de personnes, soit 44 % de la population mondiale, vivent aujourd’hui avec moins de 6,85 dollars par jour, un niveau qui ne permet pas de mener une vie digne.

L’accaparement des terres résultant en grande partie du capital mondial et de l’accumulation de terres par les sociétés transnationales et les entités financières par-delà les juridictions, la coopération internationale est essentielle. La Conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural (CIRADR+20) qui se tiendra en Colombie au début de l’année prochaine est une occasion unique pour les gouvernements de convenir de mesures visant à mettre fin à l’accaparement des terres, à inverser la concentration des terres et à garantir une distribution large et durable des ressources naturelles.

Dans un monde confronté à des crises interdépendantes – dégradation du climat, insécurité alimentaire, pauvreté persistante et inégalités sociales – et à une reconfiguration de l’équilibre mondial des pouvoirs, il est possible de s’éloigner des politiques néolibérales qui ont profité à un très petit nombre et de créer un avenir mondial plus juste et plus durable pour toutes et tous.

Pour de plus amples informations ou des interviews avec les médias, veuillez contacter Philip Seufert seufert@fian.org ou Tom Sullivan sullivan@fian.org

Solidarité avec les travailleurs et les travailleuses de l’alimentation, de la ferme à la table : non à l’exploitation !

Début mai, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, nous célébrons la force et les sacrifices des travailleurs du monde entier. Mais il y a des travailleurs qui sont toujours oubliés – les millions de personnes qui travaillent pour produire, transformer et servir la nourriture aux gens, dont la plupart font partie de l’économie informelle – sur lesquels nous nous concentrons dans cette édition de Supermarket Watch.

Pourtant, certaines d’entre elles sont toujours oubliées : les millions de personnes qui produisent, transforment et servent les aliments que nous consommons, et qui, pour la plupart, appartiennent à l’économie informelle. Qu’il s’agisse des communautés paysannes au Pérou, de personnes qui travaillent dans le commerce de rue au Zimbabwe ou dans la livraison de repas en Inde, celles et ceux qui font vivre le système agroalimentaire – de la production à la distribution, en passant par la transformation ou la préparation – sont indispensables pour que la nourriture arrive jusqu’à nos assiettes. Pourtant, elles comptent parmi les populations les plus exploitées au monde.

Les communautés paysannes et les agriculteurs et agricultrices « sans terre » sont souvent déplacé·es de force de leurs terres ancestrales par l’agriculture industrielle, ou contraint·es au départ par les effets du changement climatique et la destruction des écosystèmes. Beaucoup peinent à survivre. Nombre de ces personnes finissent par émigrer pour rejoindre la main d’œuvre agricole sous payée et sans papiers exploitée dans les pays riches. C’est une main d’œuvre invisible : celle qui cueille les fruits, récolte les légumes ou emballe la viande pour de lointains consommateurs et consommatrices, travaillant souvent sans accès aux soins de santé, sans protection juridique ni droit à l’organisation syndicale.

Dans les villes, les personnes qui vendent dans la rue ou sur les marchés, en majorité des femmes, font face quotidiennement au harcèlement et à la violence. Bien qu’elles fournissent des aliments nutritifs et accessibles aux communautés à faibles revenus, leur travail n’est toujours pas reconnu comme un service essentiel, et elles n’ont généralement accès à aucune forme de protection sociale.

À cela s’ajoute les livreurs et livreuses de repas à domicile, qui dépendent d’une économie de plateformes gouvernée par des algorithmes. Si cette économie promet liberté et efficacité, elle impose en réalité précarité, sanctions arbitraires et rémunérations dérisoires.

La nourriture nous relie tous et toutes, mais celles et ceux qui la produisent et la fournissent sont trop souvent invisibilisés. Leur travail est considéré comme « non qualifié », leurs luttes sont ignorées et leurs tentatives d’organisation sont réprimées. En ce mois où nous célébrons la Journée internationale des travailleurs et des travailleuses, nous devons reconnaître le coût humain de notre système alimentaire, toujours plus dominé par les multinationales, inégalitaire et fondé sur l’exploitation. Chaque plat que nous consommons est le fruit du travail de personnes dont les droits – au repos, à l’organisation, à une vie digne – sont trop souvent bafoués. Dans le Sud global, et même dans de nombreux pays du Nord, la grande majorité des personnes travaillant dans le secteur alimentaire sont privées des protections sociales les plus élémentaires. En ce qui concerne les pensions de retraite, par exemple, après des décennies de dur labeur, les personnes cultivant la terre ou employées dans l’agriculture, la pêche et les commerces de rue dans une grande partie du Sud global n’ont souvent droit à aucune pension, ou ne perçoivent qu’une allocation dérisoire.

La souveraineté alimentaire ne peut être dissociée de la justice dans le travail. Cela implique de garantir des salaires équitables, des conditions de travail saines et sûres, une protection sociale et le droit à la négociation collective. Pour les millions de personnes travaillant dans l’économie informelle, il s’agit également de garantir leurs droits à des protections juridiques et sociales complètes, ainsi qu’à leur participation à l’élaboration des politiques. C’est possible et, par exemple, dans certains pays du Sud global, les gouvernements, souvent sous l’impulsion de puissants mouvements sociaux, ont mis en place des systèmes publics de retraite conçus pour offrir une retraite digne aux petits agriculteurs et agricultrices et à leurs familles.

Lors de la 113e Conférence internationale du Travail qui se tiendra prochainement à Genève, les gouvernements, les travailleurs, travailleuses et les employeurs du monde entier se réuniront pour discuter des normes du travail applicables tant aux personnes travaillant dans l’économie informelle que dans l’économie des plateformes. Il est essentiel que les besoins et les intérêts des personnes travaillant dans la filière alimentaire, dans toute leur diversité, soient au cœur de ces discussions.

Luttons ensemble pour un système alimentaire fondé sur la solidarité et non sur l’exploitation !

Pour plus d’informations, contactez Laura Michéle michele@fian.org

La communauté internationale doit mettre fin à l'utilisation de la nourriture comme arme et à la famine à Gaza

En bloquant 116 000 tonnes métriques de nourriture à sa frontière avec Gaza – suffisantes pour fournir des rations de base à un million de personnes pendant quatre mois – Israël et ses partisans violent leur obligation de respecter le droit à l'alimentation de la population palestinienne, entravant l'accès à une nourriture adéquate nécessaire à la survie et à une vie digne.

Personne à Gaza n'a accès à suffisamment de nourriture et d'eau. Certains, y compris de jeunes enfants, sont déjà morts de faim avec des milliers de personnes souffrant de malnutrition aiguë. Les infrastructures agricoles et les cultures de Gaza ont été décimées, et les systèmes agricoles se sont presque effondrés. Les restrictions sévères sur le carburant ont paralysé les infrastructures d'eau et l'approvisionnement en électricité, ne laissant qu'une alimentation limitée provenant de panneaux solaires et de générateurs.

Les prix des denrées alimentaires dans la bande de Gaza ont augmenté de 1 400 % depuis la fin du dernier cessez-le-feu, rendant presque impossible pour les communautés touchées de se procurer de la nourriture abordable. Cette crise affecte non seulement la population actuelle, mais menace également gravement la santé des générations futures et d'autres droits connexes.

Actuellement, les habitants de Gaza dépendent principalement de légumes en conserve, du riz, des pâtes et des lentilles, car les aliments de base comme la viande, le lait, le fromage et les fruits ont pratiquement disparu. Il en résulte une carence significative tant en quantité qu'en qualité de nourriture nécessaire pour réaliser leur droit à une alimentation et une nutrition adéquates. Selon l'ONU, les enfants se couchent affamés.

Cette escalade dramatique découle non seulement des hostilités récentes, mais aussi de l'occupation israélienne, de l'oppression systémique et des violations de longue date des droits humains du peuple palestinien. Celles-ci comprennent la destruction des infrastructures alimentaires et sanitaires, la restriction des approvisionnements en eau, la destruction environnementale et d'autres violations des droits économiques, sociaux et culturels – ainsi que du droit à l'autodétermination. Ces violations continues ont précipité une catastrophe alimentaire et sanitaire que la communauté internationale a laissé persister, manquant à ses obligations d'assurer le droit à l'alimentation à l'intérieur et au-delà de ses frontières, pour les générations présentes et futures.

La communauté internationale doit agir pour remédier à cette violation, adoptant toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'utilisation de la nourriture comme arme et défendre les droits du peuple de Gaza. Les États devraient immédiatement cesser tout soutien — qu'il soit militaire, économique ou politique — à Israël et aux sociétés transnationales complices de ce génocide en cours.

À court terme, les nations sont exhortées à déployer des efforts diplomatiques pour faciliter la livraison des approvisionnements alimentaires actuellement bloqués à la frontière. Cependant, ces mesures seules sont loin d'être suffisantes. La communauté internationale doit restaurer les systèmes alimentaires locaux et les infrastructures à Gaza, respecter le droit des Palestiniens à l'autodétermination et garantir l'accès à la nourriture, aux recours et à la justice. Il est impossible de réaliser les droits humains et d'exercer la souveraineté alimentaire dans le contexte du colonialisme de peuplement et de l'occupation.

La création du Groupe de La Haye est une étape positive vers la résolution de cette crise, mais des États supplémentaires doivent rejoindre cette initiative et prendre immédiatement des mesures efficaces pour assurer la justice et la paix pour le peuple palestinien.

Pour plus d'informations ou pour toute demande des médias, veuillez contacter Ana María Suárez Franco : suarez-franco@fian.org

Le chemin à parcourir par FIAN dans la lutte mondiale pour le droit à l'alimentation

Ana Maria est devenue secrétaire générale de FIAN International cette année, succédant à Sofía Monsalve dont le long mandat a transformé l'organisation, reliant sa mission à des enjeux mondiaux critiques, du changement climatique à la numérisation, la financiarisation, les conflits et le travail de soin.

Ana Maria possède une vaste expérience en matière de plaidoyer international, notamment plus de deux décennies chez FIAN International, servant récemment comme représentante permanente de l'organisation auprès des Nations Unies à Genève.

Comment vois-tu ton rôle en tant que secrétaire générale de FIAN ?

Je considère mon rôle comme celui de fournir un leadership stratégique pour faire progresser le droit à l'alimentation et à la nutrition à l'échelle mondiale, conformément au plan stratégique de FIAN. Au cours de ces 23 dernières années, j'ai beaucoup appris des paysannes et paysans, des peuples autochtones, des pêcheuses et pêcheurs, des universitaires, des décideuses et décideurs politiques et d'autres acteurs.

J'utiliserai tous ces apprentissages, suivant l'inspiration de Sofía Monsalve, notre ancienne secrétaire générale, pour fournir une coordination stratégique à l'organisation dans la lutte contre les menaces au droit à l'alimentation. Cela inclut de dévoiler les fausses solutions dans le contexte de la transformation des systèmes alimentaires et des transitions justes, et d'amplifier les solutions des peuples comme l'agroécologie et la souveraineté alimentaire.

En ces temps de changements géopolitiques incertains, mon rôle consiste également à conduire notre organisation à créer une masse critique qui résiste, dénonce, propose des alternatives et renforce le plaidoyer collectif. Je souhaite également guider FIAN pour que nous continuions à accompagner la défense des communautés affectées par des violations systémiques des droits humains – notamment par notre travail sur les cas concrets et en approfondissant les liens avec les mouvements sociaux, particulièrement les jeunes, pour défier les inégalités dans les systèmes alimentaires.

Quels sont les principaux défis à venir et comment FIAN va les relever ?

Au milieu de multiples crises mondiales — changement climatique, pollution, perte de biodiversité, guerres et trafic de drogue — qui aggravent la faim, la pauvreté et les inégalités, nous faisons face à un défi supplémentaire : la montée de gouvernements autoritaires qui démantèlent les institutions publiques, privilégient le profit aux personnes et polarisent les sociétés. Ces mouvements menacent le consensus d'après-guerre inscrit dans la Charte des Nations Unies : la paix, les droits humains et le progrès social, et entravent les progrès vers des systèmes alimentaires équitables, sains et durables et des transitions justes.

Notre plan stratégique nouvellement adopté fournit des objectifs clairs pour répondre à ces défis dans le cadre du mandat de FIAN. Avec ses six luttes thématiques et huit outils stratégiques, il offre une feuille de route pour l'action.

Quelle différence FIAN peut-elle faire dans la lutte mondiale pour le droit à l'alimentation ?

Depuis près de 40 ans, FIAN s'est profondément engagée à faire avancer les luttes des peuples pour le droit à l'alimentation, en s'attaquant à l'oppression par les États et les acteurs non étatiques et en abordant les déséquilibres de pouvoir. Ce qui distingue FIAN, c'est son travail sur les cas concrets – plaidoyer avec les communautés pour leur droit à l'alimentation, tout en reliant les luttes locales aux politiques et à la gouvernance mondiales.

Les compétences de facilitation de FIAN renforcent le mouvement pour le droit à l'alimentation, en connectant divers acteurs à travers les régions et les secteurs tout en favorisant la solidarité et le pouvoir collectif. Ce travail est crucial pour stimuler le changement, surtout sous les régimes autoritaires, comme le reconnaissent les organisations alliées et les sections nationales de FIAN. Faciliter dans un écosystème aussi divers nécessite une ouverture pour apprendre de tous les acteurs de manière égale, une analyse critique des solutions dominantes et une coordination stratégique du dialogue. Bien que souvent invisible, le travail de facilitation que nous accomplissons est essentiel pour construire des ponts et renforcer l'action collective dans des environnements qui respectent et valorisent la diversité.

Notre persévérance, notre capacité à collaborer avec d'autres, notre créativité et l'engagement de chaque personne impliquée dans FIAN continuent d'être inestimables pour renforcer le mouvement du droit à l'alimentation et réaliser un changement transformateur à l'échelle mondiale.

Es-tu  optimiste quant aux perspectives d'avancement du droit à l'alimentation dans le climat actuel ?

Malgré les défis, il y a beaucoup à célébrer : le 20e anniversaire des Directives sur le droit à l'alimentation de l'ONU a vu des progrès dans leur mise en œuvre. FIAN Colombie a obtenu la reconnaissance constitutionnelle du droit à l'alimentation, les paysannes et paysans équatoriens ont gagné des procès historiques sur le droit à la terre, et l'Ouganda a connu une réduction de la violence militaire contre les pêcheuses et pêcheurs après des années de plaidoyer. Nos efforts, aux côtés de nombreux alliés, pour accroître la redevabilité des entreprises portent leurs fruits, avec des étapes vers un instrument contraignant pour faire face aux méfaits de Big Food, Big Tech, Big Agro et des principaux acteurs financiers.

Je crois également que les progrès dans la reconnaissance des droits humains des générations futures offrent de nouvelles voies pour combattre les crises environnementales et promouvoir la justice. Et notre travail sur le soin alimentaire met en lumière des chemins importants pour l'équité de genre et le démantèlement des pratiques patriarcales qui nuisent aux femmes et aux personnes LGBTQIA+.

Ces étapes, bien que petites, représentent des progrès significatifs. Les parcourir en solidarité nous rapproche d'un monde où les systèmes alimentaires privilégient les personnes et la planète plutôt que les intérêts des entreprises.

Pour plus d'informations, veuillez contacter la secrétaire générale de FIAN International, Ana Maria Suarez Franco : suarez-franco@fian.org

 

 

Processus Nyéléni: Vagues de résistance. Les communautés de pêcheurs défendent la souveraineté alimentaire

Dans un monde où tout change si vite, ébranlé par la guerre et les oligarques milliardaires, les moyens de subsistance de la pêche sont les grands absents des discussions politiques. La politique de forage intensif (« drill baby, drill ») du président américain Donald Trump, l’extractivisme international, l’enfermement néoprotectionniste de la nature sous couvert de 30by30 (cadre mondial pour la biodiversité), l’expansion de l’aquaculture soutenue par les gouvernements, et les mégaprojets motivés par le profit continuent de nuire aux territoires et moyens de substances des pêcheur·euses.

La montée de la droite radicale a mené certains gouvernements à réduire voire supprimer l’aide au développement, et les philanthropes ont davantage d’emprise sur les projets ou acteurs qui reçoivent du soutien, et la situation des financements en pâtit. Étant donné que les ONG et les mouvements de pêcheurs dépendent de plus en plus des financements des philanthropes, ce changement peut entraîner le détournement de la feuille de route politique de certaines organisations, et créer des divisions entre les acteurs qui appliquent les principes de souveraineté alimentaire et ceux qui suivent les priorités centrées sur les bailleurs de fonds comme 30by30, les « aliments bleus » ou les « transformations bleues »[1].

Les mouvements de pêcheur·euses doivent s’unir pour parler de positions et de tactiques politiques. Suite à la décision du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) de ne pas soutenir le Sommet sur les systèmes alimentaires des Nations Unies, des prises de position similaires peuvent être requises sur d’autres feuilles de route imposées. Les mouvements de pêcheurs doivent définir leur propre feuille de route, et orienter activement la direction du mouvement pour la souveraineté alimentaire dans son ensemble. Le Forum mondial Nyéléni organisé en septembre 2025 au Sri Lanka en sera l’occasion : placer la pêche à l’ordre du jour, construire la solidarité avec d’autres petit·es producteur·rices alimentaires, mouvements de travailleur·euses alimentaires et pour le climat, et progrès dans la lutte pour la souveraineté alimentaire.

FIAN International, GRAIN, Groupe de travail du CIP sur la pêche, TNI, WFF, WFFP

Lire le bulletin d'information Nyeleni n° 52 ici ou le télécharger

Illustration: Rosine Nsimire (Alliance pour la vie) et Alessandro Musetta – Agathe, the matriarch above the water est une publication numérique multimédia qui documente les expériences des pêcheuses traditionnelles sur le lac Kivu en République démocratique du Congo (RDC).

Au-delà des chiffres : repenser le suivi de la sécurité alimentaire dans les conflits et les crises

Dans une nouvelle note d'information, FIAN International examine les raisons de cette situation et explore les moyens de renforcer l'assistance efficace et opportune aux communautés touchées par des violations des droits de l'homme à long terme – y compris la famine et la famine délibérées.

Alors que les perturbations climatiques, les guerres et les inégalités systémiques s'intensifient, le monde est confronté à une situation d'urgence alimentaire de plus en plus grave. Pourtant, les systèmes internationaux mis en place pour y faire face ne parviennent pas à fournir des solutions efficaces et coordonnées.

Les régions souvent citées dans les médias comme étant « au bord de la famine » ou « au bord de l'inanition » comptent déjà plusieurs milliers de personnes mortes ou mourant rapidement de faim ou de maladies liées ou exacerbées par le manque de nourriture adéquate. Gaza et le Soudan en sont deux exemples marquants.

FIAN a analysé l'approche de la communauté internationale face à la famine, en posant plusieurs questions clés, notamment : Qu'est-ce qu'une « famine » ? Qui décide de l'existence d'une famine ? Comment est-elle surveillée ? Et quelles sont les implications pour la souveraineté alimentaire et la communauté des droits de l'homme ?

« Nous devons repenser la façon dont nous mesurons la famine – trop souvent, nous nous concentrons sur le nombre de corps et les seuils de crise, tout en ignorant les causes plus profondes et structurelles qui préparent le terrain à la catastrophe », a déclaré Ayushi Kalyan, chargé de mission de FIAN pour la responsabilité des entreprises.

« Le véritable défi ne consiste pas seulement à compter les morts, mais à identifier plus tôt les risques réels et structurels et à s'attaquer aux causes profondes de la famine et de la famine avant qu'elles ne dégénèrent en catastrophe.

Les situations de violation du droit à l'alimentation et à la nutrition dans les situations de crise, y compris les famines, n'apparaissent pas dans le vide. Elles sont le résultat d'une marginalisation systémique à long terme des communautés, de leur exclusion des efforts de suivi et de la prise de décision, et de violations à long terme des droits économiques, sociaux et culturels.

Dans de tels cas, à quoi peuvent ressembler une action précoce et une véritable prévention ? Dans un rapport récent, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, aborde la famine sous l'angle des droits de l'homme, indiquant que la famine reflète « l'abandon fondamental par un État de ses obligations en matière de droits de l'homme… et lorsqu'un État ou tout autre acteur viole systématiquement le droit à l'alimentation, il s'agit d'une alerte précoce qui indique un certain degré d'intention d'affamer une population ».

« Les outils de suivi traditionnels ne sont pas conçus pour évaluer les causes profondes des crises alimentaires dans les situations de conflit ou d'occupation », a déclaré Emily Mattheisen, chargée de mission de FIAN pour le suivi et le plaidoyer.

« Ces méthodes occultent les dynamiques de pouvoir en jeu et ne tiennent pas compte des voix des personnes les plus touchées. Pour véritablement s'attaquer au problème de la faim, nous devons intégrer dans nos systèmes de suivi des informations émanant de la base et des indicateurs relatifs aux droits de l'homme. »

Cette note vise à ouvrir un dialogue entre les communautés humanitaires et du droit à l'alimentation, afin d'apprendre les uns des autres tout en imaginant de nouvelles façons de soutenir les communautés et les populations affectées, de créer des mécanismes de suivi efficaces basés sur les droits de l'homme et une plus grande responsabilité concernant les actions et les conditions structurelles qui entraînent des violations du droit à l'alimentation, y compris la famine et la famine.

Télécharger le rapport ici

Pour plus d'informations, veuillez contacter Ayushi Kalyan Kalyan@fian.org ou Emily Mattheisen Mattheisen@fian.org

 

FIAN adopte un nouveau plan stratégique

Alors que la faim augmente, que les conflits s'éternisent, que l'environnement est détruit, que le changement climatique est en marche et que les entreprises s'emparent de la gouvernance alimentaire mondiale, FIAN International a réaffirmé son engagement aux côtés des communautés, des peuples autochtones, des paysans, des pêcheurs, des travailleurs de l'alimentation et de tous ceux qui luttent pour un changement systémique dans les systèmes alimentaires.

« Ce plan stratégique réaffirme la vision et les piliers de FIAN, soulignant l'engagement de l'organisation à garantir le droit à l'alimentation en utilisant les mécanismes des droits de l'homme, en soutenant les luttes des peuples, en prenant soin de la nature et en s'attaquant à l'intersectionnalité », a déclaré Priscilla Claeys, présidente du conseil d'administration de FIAN International, lors de la réunion à Lisbonne la semaine dernière, à laquelle ont participé les délégués des sections (bureaux nationaux) de FIAN du monde entier.

« Il décrit les luttes auxquelles FIAN s'attaque, les stratégies qu'il emploie et ouvre la voie à des discussions sur la manière de renforcer l'organisation dans un contexte mondial en pleine évolution. »

Au cœur de ce plan se trouve l'objectif de démanteler les pratiques coloniales et de promouvoir l'équilibre entre les sexes et la diversité générationnelle, à la fois au sein de FIAN et dans son travail externe.

Le nouveau plan stratégique (uniquement disponible en anglais pour l'instant) s'articule autour de six luttes thématiques et sera coordonné avec les sections de FIAN et ses proches alliés dans le monde entier, notamment le Réseau mondial pour le droit à l'alimentation et à la nutrition. Il comporte deux nouveaux domaines d'action : la paix, la justice et l'autodétermination ; et la justice de genre, les droits des femmes et les soins dans les systèmes alimentaires.

« FIAN International et ses sections jouent un rôle crucial en veillant à ce que notre plan devienne une réalité dans les endroits où vivent ceux qui ont été traditionnellement marginalisés et défavorisés, grâce à divers niveaux d'impact dans notre travail pour la justice sociale », a déclaré Juana Camacho Segura, vice-présidente du conseil d'administration de FIAN International.

« La famille FIAN vise également à encourager les débats démocratiques critiques par le biais de la sensibilisation, de l'éducation populaire, de la promotion du partage des connaissances, de la mobilisation des communautés et du plaidoyer en faveur de changements dans la gouvernance, qui sont nécessaires pour s'attaquer aux causes structurelles de la pauvreté et de l'inégalité ».

Tout au long de la réunion du Conseil international, les sections de FIAN ont souligné l'importance de renforcer le partage des connaissances et d'adopter des mécanismes clairs de suivi de la mise en œuvre du plan stratégique. Elles ont également convenu de redoubler d'efforts pour assurer la pérennité de l'organisation, à la fois par le renouvellement des générations et par une plus grande collaboration en matière de financement.

Le Conseil international a approuvé un nouveau mandat de trois ans pour le Conseil international et a remercié Angela Mulenga, membre sortant du Conseil, et Thomas Albert Wolfer, trésorier, pour leurs années de dévouement.

Il a également remercié la secrétaire générale sortante Sofia Monsalve pour ses nombreuses années de service et a souhaité la bienvenue à sa successeure Ana Maria Suarez Franco, représentante permanente de FIAN auprès de l'ONU à Genève, qui prendra ses fonctions en janvier.

Téléchargez le plan stratégique international de FIAN (2024-2030) (anglais) ici.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Tom Sullivan : sullivan@fian.org

 

La France et l'Espagne doivent réguler leurs entreprises minières au Sénégal

Les autorités sénégalaises ont dépossédé des centaines de paysans et des paysannes à l’ouest du Sénégal pour faire place à l'exploitation de phosphate et à l'extraction de minerais par la entreprise hispano-sénégalaise SEPHOS et l’entreprise franco-sénégalaise Grande Côte Opérations (GCO).

Ces entreprises – et les autorités qui leur ont accordé des permis d'extraction de phosphate, de zircon, d'ilménite et d'autres minéraux – ont violé les droits humains des communautés locales à Koudiadiène, Lam-Lam, Pambal ainsi qu'à Diogo et dans les régions environnantes, notamment le droit à une alimentation et une nutrition adéquates, le droit à la terre, le droit à un environnement sain, propre et durable, le droit à la santé et le droit à l'eau, d'après un nouveau rapport de FIAN International.

Bien que la plupart des communautés rurales du Sénégal aient accès à la terre en vertu de droits coutumiers traditionnels, plutôt que de titres fonciers officiels, le rapport souligne l'absence de reconnaissance juridique de cette pratique. Les paysans et les communautés rurales ne sont donc pas protégés lorsque les autorités accordent des concessions minières à des entreprises nationales ou étrangères.

« Koudiadiène se trouve dans la réserve minière de phosphate. Ce minerai est sous nos pieds et si l'État en a besoin, la population devra se déplacer », déplore un membre de la communauté de Koudiadiène. 

En outre, le niveau de compensation offert pour la perte de terres a été dérisoire, voire inexistant, ce qui a plongé de nombreuses personnes touchées dans l'extrême pauvreté

« Avant, nous étions à l'aise et nous avions assez à manger. Les femmes aidaient aux travaux agricoles. Les revenus des récoltes nous permettaient de bien manger et de couvrir toutes nos autres dépenses. Depuis que notre champ a été accaparé, je ne travaille plus et je reste à la maison », a déclaré Ndeye Ndiaye, une victime d'accaparement de terres de Diogo.

« Mes enfants n'ont pas assez à manger. Je demande souvent de l'argent aux voisins pour payer les soins médicaux des enfants. Nous sommes fatigués. Nous avons besoin d'aide », a-t-elle ajouté.

Les communautés concernées n'ont pas été informées à l'avance des opérations minières, malgré l'impact dévastateur qu'elles ont sur leurs cultures et leur santé.

« Les paysans ne sont même pas prévenus à temps de l'intervention des machines dans leurs champs… les membres de la communauté dont les champs sont proches de la mine ont tout perdu à cause de la poussière qui se dépose sur leurs cultures », a expliqué Armand Gondet Dione, un défenseur des droits humains de Pambal.

« Les champs sont devenus impropres à la culture. Les arbres se sont desséchés et sont morts avant même d'avoir pu être inventoriés. Les zones de pâturage disparaissent, la flore et la faune meurent, la sécheresse et l'érosion s'aggravent. »

SEPHOS, qui exploite des mines de phosphate, et GCO, qui extrait du zircon, de l'ilménite, du rutile et du leucoxène, ont des sociétés mères ou des actifs principaux respectivement en Espagne et en France.

Alors que le Sénégal a clairement enfreint ses obligations en vertu du droit international des droits humains et des lois nationales, l'Espagne et la France sont également tenues, en vertu du droit international des droits humains, de prendre des mesures pour s'assurer que les sociétés minières basées sur leur territoire ne portent pas atteinte au droit à l'alimentation et à d'autres droits connexes au Sénégal. Cette obligation requiert également que les États sanctionnent ces acteurs en cas d'abus et qu'ils offrent un recours aux personnes affectées par ces entreprises, notamment par le biais de leurs tribunaux nationaux et de voies de recours adéquates.

L'Espagne et la France doivent assumer la responsabilité des vies détruites par leurs entreprises et prendre des mesures sans délai.

Lire le rapport complet en français ici.

Le rapport sera bientôt disponible en espagnol ici.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Valentin Hategekimana (hategekimana@fian.org)

 

20 ans de directives de l'ONU sur le droit à l'alimentation : il est temps d’éradiquer la faim et la famine causées par l’être humain

Avec ses sections nationales et ses alliés dans le monde entier, y compris le Réseau mondial pour le droit à l'alimentation et à la nutrition (GNRTFN) qu’elle coordonne, FIAN International œuvre contre la violence, l'exploitation et l'oppression dans les systèmes alimentaires et pour la réalisation du droit humain à une alimentation et une nutrition adéquates (RtFN) pour toutes et tous.

La participation effective des détenteurs et détentrices de droits et la démocratisation de la prise de décision à tous les niveaux sont des éléments essentiels à la garantie de ce droit fondamental. La faim est le fait de l’être humain et il est possible d'y mettre fin.

Dans une nouvelle note politique, nous exposons notre approche des six principaux combats à mener pour atteindre ces objectifs.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Charlotte Dreger : dreger@fian.org

 

 

CEDEF : Les femmes au Bénin sont confrontées à des violations des droits humains en raison d'expulsions forcées

Deux groupes de la société civile, l'Organisation Non Gouvernementale d'Appui au Militantisme et à l'Autonomisation d'un Monde Rural Responsable et Engagé (AMARRE-Bénin) et la Coopérative des Artisans-Maraichers-Pêcheurs de Ouidah (AMAPECH) ont soumis un rapport parallèle sur le Bénin – avec le soutien de FIAN International – au Comité pour l'Elimination de toutes les formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF).

Les expulsions forcées dans le village de Kouvènanfidé, pour faire place à un centre de villégiature et à une route côtière, ont entraîné de multiples violations des droits humains, notamment le droit à l'alimentation et à la nutrition, le droit à la terre, le droit à l'eau, le droit à un logement adéquat, le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit au travail, le droit à un environnement propre, sain et durable, le droit à la vie culturelle et le droit d'obtenir justice et réparation en temps utile. Bien que tous les membres de la communauté aient été touchés, ce rapport parallèle se concentre sur les droits des femmes.

Les membres de la communauté ont perdu des biens et des actifs, notamment des maisons, des terres, des cultures et des moyens de générer des revenus qui les aidaient à se nourrir et à être financièrement indépendants. Aujourd'hui, ils vivent dans des conditions précaires, dans un contexte de pauvreté croissante et d'incertitude quant à l'avenir.

« Les expulsions forcées ont causé des souffrances physiques et psychologiques aux membres de la communauté et en particulier aux femmes. Les femmes enceintes et celles qui allaitent ont du mal à obtenir suffisamment de nutriments pour leurs bébés et leurs enfants. En même temps, lorsqu'elles sont malades, il leur est très difficile d'accéder aux centres de santé, qui sont très éloignés du site de relocalisation », explique Jerry Tchiakpe, responsable du projet et de la communication chez AMARRE-Bénin.

L'absence de compensation adéquate continue de plonger les membres de la communauté dans la misère, en particulier ceux qui n'ont pas été relogés. Certains membres de la communauté dorment dehors et les femmes en particulier sont exposées à toute une série de dangers, y compris la violence sexuelle.

« Le gouvernement du Bénin doit se conformer davantage à ses obligations internationales en matière de droits humains et veiller en particulier à ce que les droits des femmes soient protégés dans ce cas d'expulsion forcée », déclare Valentin Hategekimana, coordinateur pour l'Afrique à FIAN International.

« Les responsables des violations des droits humains doivent rendre des comptes ».

Lisez le rapport parallèle complet de la CEDEF sur le Bénin ici.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Valentin Hategekimana hategekimana@fian.org